
Le 10 juin se clôt le cycle de dépôt des candidatures à la direction générale du FMI. Si Christine Lagarde semble bien placée pour succéder à DSK, les pays émergents réclament la nomination d'un des leurs à la tête de l'institution.
La course à la succession de Dominique Strauss-Kahn à la tête du Fonds monétaire international (FMI) va prendre un nouveau tournant le 10 juin, avec la clôture des dépôts de candidature.
A l’issue de la clôture, la liste des candidats sera remise au conseil d'administration du FMI qui compte 24 membres, chacun représentant un pays ou un groupe de pays.
Si la liste des candidats comporte plus de trois noms, elle devra être obligatoirement réduite à trois candidats après examen des dossiers. Les trois candidats qui resteront seront entendus par le conseil d'administration à Washington. C’est ensuite à la majorité des voix ou par "consensus" que le prochain numéro 1 du FMI doit être désigné.
Le poids du vote de chacun des 24 membres varie en fonction de son importance économique mondiale. Un pays n'est donc pas égale à une voix...
A cette date, le sort des postulants dépendra de la décision du Conseil d’administration du FMI qui doit choisir son nouveau directeur d'ici au 30 juin.
Aujourd’hui, trois candidats sont officiellement en lice pour prendre la direction de la prestigieuse fondation : Christine Lagarde, la ministre française de l’Économie, Agustin Carstens, directeur de la Banque centrale du Mexique, et Grigori Marchenko, directeur de la Banque centrale kazakhe. Ces trois prétendants se sont lancés dans une campagne de séduction auprès des pays émergents, à l’heure où ces derniers comptent bien faire entendre leurs voix dans le cadre d'une gouvernance mondiale multilérale.
En vertu d'une règle non écrite depuis sa fondation en 1945, la fonction de directeur général du FMI a toujours été occupée par un Européen. Cette fois-ci, les économistes semblent de moins en moins enclins à croire que cette tradition va se poursuivre : le FMI pourrait-il échappé à la représentante du Vieux Continent ? Eléments de réponse avec François Lafond, directeur du Bureau parisien de la German Marshall Fund, une institution publique américaine qui vise à promouvoir les relations politiques et socio-économiques entre les États-Unis et l'Europe.
FRANCE 24 : La désignation, à la tête du FMI, d’une personnalité en provenance d'un pays émergent changerait-elle la donne ?
François Lafond : Choisir un non-Européen pourrait considérablement bouleverser la ligne politique de l’institution. Prenons un exemple : si le Mexicain Agustin Carstens prend la tête du FMI, il n’aura probablement pas la même approche de la crise grecque ou irlandaise que Christine Lagarde. Notamment parce qu’il devra passer du temps à comprendre le fonctionnement économique des pays européens alors que Christine Lagarde, elle, sait déjà à quoi s’en tenir. Reste que celle-ci, dont la candidature est soutenue par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, part favorite puisqu’un accord tacite a jusqu’à présent voulu que le poste revienne à un Européen.
FRANCE 24 : Il n’y a, selon vous, pas de surprise possible : la ministre française devrait logiquement décrocher le poste ?
F.L. : Ce n’est pas si simple que cela car cette fois-ci, les pays dits "émergents" revendiquent un poids plus important au FMI. Le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud - également connus sous l'acronyme Brics -, ont fustigé cette attitude des dirigeants européens, persuadés de remporter le Graal. Ils devraient logiquement apporter leur soutien à un non-Européen [une dizaine de pays d'Amérique latine soutiennent par exemple la candidature du Mexicain, NDLR].
Si la ministre de l’Économie est bien placée dans la course, elle n’est pas assurée de remporter le poste.
FRANCE 24 : Dans tous les cas, est-ce que cette nouvelle élection va marquer la fin de "l’ère DSK" ?
F.L. : C’est toute la question. Il faut savoir que DSK a largement modifié le rôle du FMI. Il a œuvré en faveur du rééquilibrage des voix au sein de l’institution pour laisser davantage de pouvoir aux pays émergents. Il a réussi à faire accepter l'idée que le Fonds monétaire devait intervenir dans la crise économique en Europe. Avant lui, l’institution ne se mêlait que rarement des problèmes financiers de l’Union européenne, le FMI préférant par exemple se pencher sur la crise argentine [entre 1998 et 2002, NDLR]. Il n’est donc pas insensé de penser que Christine Lagarde, si elle est nommée, est la mieux placée pour continuer l’œuvre de DSK. Elle a d’ailleurs répété à de nombreuses reprises qu’elle tiendrait la même ligne politique que lui.