L’Allemagne a reconnu que le concombre espagnol n’était pas à l’origine des intoxications qui ont tué des dizaines de personnes en Europe ces derniers jours. Mais, pour la filière fruits et légumes espagnole, le mal est fait...
Plombé par le taux de chômage le plus élevé d’Europe (21 %) et une croissance en piteux état, l’Espagne n’avait pas besoin de ça. L’interdiction, dans plusieurs États européens, d’importer des fruits et légumes espagnols - ou simplement des concombres - à la suite des décès et des intoxications alimentaires attribués à la présence d’une souche de la bactérie e.coli est un coup dur pour le pays, dont la filière fruits et légumes représente quelque 2 % du PIB.
La situation y est d'autant plus mal vécue qu'elle est ressentie comme une injustice par les agriculteurs espagnols depuis que des doutes ont été exprimés, ce mercredi, sur l’origine de l’intoxication. L’Allemagne - premier pays à avoir signalé des cas de décès - a ainsi indiqué que les concombres produits en Espagne n’étaient finalement pas en cause. Un rebondissement qui pousse Madrid à envisager de demander à Berlin une indemnisation pour les préjudices causés à ses agriculteurs.
Car le mal est fait. "Maintenant, il y a des supermarchés allemands qui ont mis un panneau ‘Ici on ne vend pas de produits espagnols’", se désole Jorge Brotons, le président de Fepex, le principal syndicat de maraîchers espagnols. Celui-ci évalue à 200 millions d’euros par semaine le manque à gagner engendré par la crise, à cause des "centaines de tonnes de produits que nous jetons".
Pas que les tomates
En Espagne, la filière fruits et légumes était, jusqu’à présent, l’une des rares à avoir été relativement épargnée par la récession. Les exportations maraîchères ont rapporté plus de 9 milliards d’euros l’an passé, soit une progression de 3 % par rapport à 2009, selon le rapport annuel du ministère espagnol de l’Agriculture publié en mars dernier. Et, à lui seul, le secteur représente près de 300 000 emplois dans le pays. L'économie de certaines régions en dépend même très largement : en Murcie ou dans la province d'Alméria par exemple, plus de 60 % de la production de fruits et légumes est destinée à l’exportation, contre 33 % au niveau national. "Ce sont des régions où ce secteur façonne également la vie sociale", peut-on lire sur le site de la Fepex.
Si l’Espagne est principalement connue en Europe pour ses tomates - elle en a produit plus de 4 millions de tonnes en 2010 -, le concombre fait aussi le beurre de ses agriculteurs : le pays en est le premier producteur et exportateur européen. Avec près de 600 000 tonnes produites en 2010, il s'agit du 8e légume le plus cultivé d'Espagne.
Jusqu’à présent, les producteurs espagnols pouvaient remercier les consommateurs allemands. L’Allemagne a en effet importé 754 153 tonnes de fruits et légumes produits en Espagne en 2010, soit 23 % de toutes les exportations espagnoles. Reste à savoir si la mise hors de cause du concombre dans cette affaire va mener à une réouverture des frontières aux maraîchers espagnols.