Le président syrien a décrété une amnistie générale pour "tous les détenus politiques". L'opposition, réunie en Turquie, estime cette mesure "insuffisante". Des ONG syriennes basées à Damas et à Londres évoquent une décision "satisfaisante".
AFP - Le président syrien Bachar al-Assad a décrété mardi une amnistie générale, aussitôt jugée trop tardive par l'opposition, mais la répression se poursuivait, faisant trois morts parmi les manifestants.
"Le président Assad a décrété un décret accordant une amnistie générale à tous les crimes commis avant le 31 mai 2011", a indiqué l'agence officielle Sana. "L'amnistie touche tous les détenus politiques ainsi que les membres de la confrérie des Frères musulmans."
Cette annonce est "insuffisante" et arrive "trop tard", a estimé dans la foulée l'opposition, réunie dans la station balnéaire d'Antalya (sud de la Turquie). Entre 300 et 400 participants, tous courants et confessions confondus, y tiennent un sommet de trois jours à partir de mercredi afin de soutenir la contestation contre le régime et réclamer départ d'Assad.
Le chef de la délégation des Frères musulmans assistant à cette réunion, Melhem al-Douroubi, a estimé que la "confrérie veut, à l'instar du peuple syrien, la chute du régime" Assad.
Mais à Damas, des militants comme le chef de la Ligue syrienne des droits de l'Homme, Abdel-Karim Rihaoui ont accueilli favorablement cette amnistie.
Plus tôt dans la journée, le pouvoir avait esquissé un autre signe d'ouverture en annonçant le début d'ici 48 heures d'un dialogue national avec l'opposition.
Cette "commission pour le dialogue national" doit être formée d'ici jeudi avec des membres de "tous les courants politiques, et des personnalités politiques, économiques et de la société", a annoncé Mohammad Saïd Bkheitane, numéro 2 du parti Baas, au quotidien al-Watan.
Il a toutefois d'emblée rejeté de revenir sur la prépondérance du parti Baas, qui selon la constitution "est le dirigeant de l'Etat et de la société", invitant les opposants à abolir cette clause en remportant la majorité au parlement.
Des élections législatives, les troisièmes depuis que le président Bachar al-Assad a succédé à son père Hafez al-Assad en juillet 2000, sont prévues dans les semaines à venir.
Ce n'est pas la première fois que le régime syrien fait montre d'ouverture en réponse aux manifestations pro-démocratie qui secouent le pays depuis le 15 mars. En avril déjà, M. Assad avait levé l'état d'urgence en vigueur depuis des décennies.
Mais cela n'avait pas empêché la poursuite de la répression sanglante.
Et mardi encore deux civils ont été tués par des tirs des forces syriennes à Rastan (centre) où l'armée a poursuivi pour la troisième journée consécutive ses opérations de ratissage, et un autre dans la région de Deraa (sud). Un quatrième manifestant a péri lundi dans la ville de Hama, à 210 km au nord de Damas, selon un militant des droits de l'Homme.
A Talbisseh, "des dizaines de blessés se trouvent dans des terrains agricoles dans le nord de cette ville, mais les équipes médicales ne peuvent pas les secourir en raison des opérations militaires qui se poursuivent dans cette région", a ajouté un militant.
Depuis dimanche à l'aube, des dizaines de chars encerclent Rastan et Talbisseh ainsi que le village de Teir Maaleh, pour mater la contestation dans les environs de Homs, troisième ville du pays à 160 km au nord de Damas.
Par ailleurs, dans la nuit et à l'aube, "les forces de sécurité ont investi et procédé à des opérations de ratissage à Hirak", une ville de la région de Deraa, bastion de la contestation contre le régime du président Bachar al-Assad, a indiqué le militant.
Le pouvoir a envoyé ces dernières semaines l'armée dans différentes villes, notamment à Tall Kalakh (150 km au nord-ouest de Damas), Homs (centre), Banias (nord-ouest) et Deraa (sud), foyers de la révolte.
Selon les organisations de défense des droits de l'Homme, plus de 1.100 civils ont été tués et au moins 10.000 personnes ont été interpellées dans le pays depuis le début du mouvement de contestation.
Par ailleurs, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki s'est prononcé mardi pour des réformes en Syrie afin de rétablir la stabilité, au moment où le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem, effectuait une visite en Irak.
Rares sont les pays arabes à s'être ainsi exprimés depuis le début du mouvement pro-démocratie.
Paris a pour sa part condamné "avec la plus grande fermeté la violence aveugle et brutale dont continuent à user les services de sécurité syriens".
La France "est consternée par les témoignages crédibles faisant état des tortures utilisées dans les prisons syriennes contre les manifestants pacifiques", a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, citant le jeune Hamzeh al-Khatib comme "symbole" de ces agissements.
Samedi, les militants pro-démocratie en Syrie avaient dédié une page Facebook à ce garçon de 13 ans "torturé et tué" selon eux par les forces de sécurité à Deraa, où est née la contestation du régime.
Le ministre de l'Intérieur a ordonné une enquête sur les circonstances de la mort de ce garçon, a indiqué mardi la télévision d'Etat syrienne.