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Une journée avec les "indignés" place Puerta del Sol à Madrid

, envoyé spécial à Madrid. – Des milliers de manifestants ont pris le contrôle du cœur de Madrid et érigé un camp permanent pour protester contre la politique d’austérité. FRANCE 24 vous fait partager le quotidien d’un mouvement qui veut étendre son influence à travers l’Europe.

À la fin de cet article, retrouvez le diaporama de notre journaliste, plongé pendant 24 heures dans le quotidien des manifestants madrilènes.

Tous les yeux sont aujourd’hui tournés vers la place Puerta del Sol, lieu symbolique de la manifestation du 15 mai contre la corruption des élites politiques et la rigueur économique. C’est ici que le mouvement a pris racine. Le week-end dernier, plus de 60 000 manifestants ont convergé vers la place, alors même que l’Espagne élisait ses représentants locaux et municipaux. Le Parti socialiste (PSOE) de José Luis Zapatero a d’ailleurs subi son plus important revers électoral depuis son accession au pouvoir, en 2004.

Le gigantesque campement, fait de tentes colorées, de bâches, de matelas et de canapés, n’a cessé de grandir en dépit de l’essoufflement des défilés de manifestants. Depuis, sur la base de ce mouvement désordonné, de nombreuses commissions ont été montées pour gérer les infrastructures, la logistique et les tenants juridiques de l’occupation.

L’organisation, bien que dénuée de leader, a mis en place un système impressionnant, capable de subvenir aux moindres besoins des protestataires, de la livraison de nourriture à la distribution de tubes de crèmes solaires en passant par des stands de massages des pieds pour les manifestants les plus actifs.

Printemps arabe, "été européen" ?

L’esprit démocratique initié par les révolutions tunisienne et égyptienne est-elle en train de traverser la Méditerranée ? Les "Indignados" (indignés, NDLR) de Madrid, selon leur dénomination autoproclamée, sont pour la plupart des jeunes, qui expriment leur mécontentement face au manque de perspectives pour leur futur. Ils s’insurgent également contre ce qu’ils définissent comme une élite politique déconnectée de leur réalité. Et comme leurs prédécesseurs nord-africains, ils s’appuient sur les médias sociaux pour coordonner leurs actions : des sit-in massifs et l’occupation permanente de places symboliques.

Sauf que le camp des manifestants de Madrid n’est pas comparable à l’insurrection qui avait émergé de la place Tahrir, au Caire. La colère de la jeunesse espagnole contre le système est bien plus diffuse que la vague égyptienne qui avait abouti au départ du président Hosni Moubarak le 11 février. Les revendications espagnoles sont plus difficiles à définir que celles qui ont émané des révoltes arabes.

Et, contrairement à leurs homologues égyptiens, les manifestants espagnols ne sont pas menacés par les autorités policières ou militaires. Seuls quelques officiers, plutôt détendus, surveillent la place de leur poste de police, un contraste saisissant comparé à la présence ambiguë des militaires égyptiens à proximité des foyers de contestation.

Comment préserver le dynamisme du mouvement ?

Cette atmosphère de relative bonne entente a un impact direct sur la motivation des protestataires et les organisateurs, qui peinent à entretenir l’enthousiasme des troupes, multiplient les "commissions" de tous genres.

L’une d’entre elles approvisionne en matériel ceux qui travaillent à la confection de banderoles, parfois sous un nuage de fumée de cannabis. Dès lors qu’on s’approche de l’une des fontaines de la place, un potager bio improvisé propose légumes, plantes et fruits "légaux".

Un peu plus loin, une petite tente estampillée "Librairie" est ouverte et propose aux manifestants de lire les derniers journaux, distribués gratuitement. L’entrée à l’Espacio del Amor (l’Espace de l’Amour, NDLR) est également gratuite et dispense aux intéressés des sessions de tai-chi et de méditation.

Même si la motivation semble avoir légèrement diminué depuis les rassemblements massifs du week-end dernier, un sentiment d’optimisme prédomine toujours dans les rangs de ces "Indignados". Certains n’hésitent pas à dire de ce camp qu’il est même leur nouvelle maison. Pour ces irréductibles, un souhait : que leur mouvement traverse les frontières et touche leurs voisins européens… Une mobilisation qui, espèrent-ils, pourrait alors se transformer en révolution.