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La rébellion libyenne lance l'offensive sur le terrain diplomatique

Pour la première fois, une délégation du Conseil national de transition libyen est reçue à Washington. Un nouveau succès diplomatique après celui remporté, jeudi, auprès du Royaume-Uni, qui a officiellement apporté son soutien aux insurgés.

Ils ont le vent en poupe. Forts de leur victoire militaire dans la ville de Misrata (Ouest), mercredi, les insurgés libyens vont désormais s’efforcer de remporter une nouvelle bataille, sur le front diplomatique cette fois-ci.

Qu'est-ce que le CNT ?

Le Conseil national de transition libyen est l’instance politique de l'insurrection contre le colonel Kadhafi. Il a été créé en février dernier à Benghazi, par les représentants de l'insurrection qui s'opposent aux forces du "guide suprême" libyen. A l'issue de sa première réunion, le CNT s'est déclaré dans un communiqué comme "le seul représentant de la Libye".

Il a également précisé que toutes les délégations diplomatiques à l'étranger ralliées à la révolte étaient considérées comme ses "représentants légitimes". Il siège "temporairement" à Benghazi, "jusqu'à la libération de la capitale Tripoli, son siège permanent".

Reçu ce vendredi à la Maison Blanche, Mahmoud Jibril, le chef du Conseil national libyen (CNT), doit rencontrer le conseiller du président américain pour la Sécurité nationale, Tom Donilon, afin de discuter de l’avenir de la rébellion. L’enjeu de la rencontre est simple : les insurgés souhaitent que les États-Unis - à l’instar de la France, de la Gambie, du Qatar et de l’Italie - reconnaissent officiellement le CNT. 

"Recevoir les insurgés libyens est un tournant très important et surtout symbolique. Cela signifie que les États-Unis ne les soutiennent plus du bout des lèvres comme ils l’ont fait jusqu’à présent. Ils légitiment leur existence", explique Pierre Vermeren, spécialiste du Maghreb et professeur d’histoire à l’université de Paris-I.

Plusieurs succès diplomatiques

Depuis leur création, en février, les rebelles réclament le soutien américain. Mahmoud Gebril el-Warfally, un haut représentant du CNT, plaidait la cause de l’insurrection libyenne dans une tribune publiée jeudi dans le New York Times : "Nous ne pourrons pas sortir de ce conflit sans le soutien américain et de la communauté internationale […] Durant mon séjour à Washington, nous demanderons à l’administration Obama de reconnaître non seulement notre autorité mais d’accélérer le déblocage des avoirs libyens gelés et estimés à 30 milliards de dollars pour les seuls fonds présents aux États-Unis".

Si cette visite à Washington aboutit, la rébellion libyenne comptera trois succès diplomatiques de poids à son actif. Jeudi, le porte-parole du CNT, Moustapha Abdeljalil, a en effet reçu la précieuse onction du Royaume-Uni. David Cameron, le Premier ministre britannique, dont le pays participe aux frappes aériennes sous l’égide de l’Otan, a invité le CNT à "établir un bureau à Londres", le premier en Europe, reconnaissant de fait les insurgés comme "interlocuteurs légitimes"

Une reconnaissance propre à regonfler le moral des insurgés, d’autant qu’elle intervient après l’annonce, mercredi, par l’Union européenne (UE) de l’ouverture prochaine d’un bureau à Benghazi, le fief de la rébellion et deuxième ville du pays. "Cette reconnaissance internationale va considérablement embarrasser Kadhafi qui ne pourra plus arguer qu’il fait face à une ‘mini-insurrection’. Aujourd’hui, l’étau se resserre autour du guide libyen", estime Pierre Vermeren.

Avancée vers l’Ouest

Sur le terrain, les rebelles, qui pronostiquent une chute du régime de Kadhafi dans les prochaines semaines, reprennent du poil de la bête. Après plus de deux mois de combats, les rebelles ont finalement pris, mercredi, le contrôle de l’aéroport de Misrata, repoussant les troupes kadhafistes suffisamment loin pour que la majeure partie de la ville se trouve hors de portée de leurs roquettes.

"Réconfortés par ce succès militaire, les rebelles veulent reprendre l’offensive à l’Ouest et marcher sur Tripoli, à 200 km de leur position actuelle, explique Willy Bracciano, envoyé spécial de France 24 à Tripoli. Ils ont repoussé les forces kadhafistes jusqu’à Zliten et s’apprêtent à concentrer leurs efforts sur ce front."

Dans l'est de la Libye, les rebelles semblent également en position favorable. Le commandant rebelle Zakaria al-Mismari a déclaré que les forces gouvernementales s’étaient déplacées, lundi, vers les positions insurgées avec une dizaine de véhicules, mais avaient été repoussées. "La dynamique des rebelles s’est confirmée. Ils portent aujourd’hui un uniforme, sont plus organisés. Ils sont désormais en position de combattre l’armée régulière, toujours puissante, de Kadhafi", ajoute Pierre Vermeren.

Cette avancée de l’insurrection inquiète les autorités libyennes. "Tripoli a constamment un œil sur la télévision pour surveiller l’offensive des insurgés, explique Willy Bracciano. Les autorités savent que cette avancée est synonyme de combats à venir. La capitale est sous tension."