Ils ont beau être dévoilés au compte-goutte, les câbles diplomatiques américains publiés par WikiLeaks sèment une franche discorde à Beyrouth. Ces révélations sont à chaque fois reprises et instumentalisées par les forces politiques libanaises.
Déjà empêtrée dans des divisions inextricables et chroniques, la classe politique libanaise est depuis plusieurs mois secouée par une vague de révélations distillées au compte-goutte par WikiLeaks. Pas une semaine ne s’écoule à Beyrouth sans son lot de démentis, de mises en cause et de controverses après la publication de télégrammes diplomatiques secrets sur la situation au pays du Cèdre.
Exclusivement traduites et publiées par al-Akhbar, un quotidien proche du parti chiite Hezbollah, les câbles diplomatiques, envoyés par l’ambassade américaine au Liban ces dernières années, révèlent des informations hautement sensibles. De la guerre entre le Hezbollah et Israël pendant l’été 2006, la question de l’armement du parti chiite, en passant par le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) et l’enquête sur l’assassinat de l'ancien Pemier ministre Rafic Hariri en 2005, aucun sujet, potentiellement à même d’embraser le pays, n’est occulté.
Fuites instrumentalisées
Certains partis politiques n’hésitent pas à instrumentaliser les révélations fracassantes de WikiLeaks pour lancer des accusations tous azimuts à des fins politiques. C'est ainsi que le camp mené par le Hezbollah, qui comprend notamment des forces pro-syriennes et le parti du général Michel Aoun, exploite dès qu'il le peut ces informations supposées compromettantes, pour attaquer ses adversaires regroupés au sein de l’Alliance du 14 mars.
"WikiLeaks prouve que certains Libanais font partie intégrante du projet sioniste", a ainsi récemment accusé le vice-secrétaire général du Hezbollah, Naïm Kassem. Ce dernier faisait notamment référence à des fuites concernant des confidences faites par des forces politiques hostiles au Hezbollah à des responsables américains pendant le conflit de l’été 2006. Ainsi, selon les documents, plusieurs leaders de premier plan auraient fait état de leurs craintes de voir le parti de Hassan Nasrallah sortir renforcé malgré l’offensive israélienne. Certains d’entre de ces hommes politiques, dont des ministres du gouvernement l’époque, n’auraient pas hésité à donner aux diplomates américains des conseils sur la marche à suivre pour porter un coup fatal au parti chiite ou à demander que l'armée israélienne prolonge ses opérations.
"Terrorisme intellectuel"
Pour se défendre d’un tel déballage, les personnalités mises en cause dénoncent des propos "peu crédibles", "mal traduits et sortis de leur contexte". Selon eux, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une "campagne d’intimidation" qui relève du "terrorisme intellectuel".
Ainsi, le ministre libanais de la Défense, Elias Murr, mis en cause par plusieurs télégrammes, a accusé ses détracteurs de "se baser sur des rapports fabriqués" par les services de renseignements dans des "chambres noires". Ce dernier aurait affirmé, selon un document daté de décembre 2008, vouloir conclure un accord pour acheter des avions de chasse russes qui pourraient servir à "combattre et détruire le Hezbollah".
Également victimes de plusieurs fuites, les Forces libanaises, un parti politique farouchement opposé au Hezbollah, ont de leur côté appeler les médias à traiter les informations publiées dans le journal al-Akhbar "avec méfiance", mettant en cause implicitement la proximité du média avec le parti chiite.
Tous les partis sont éclaboussés
Les proches du Hezbollah ne sont pas épargnés par les révélations. La dernière divulgation en date concerne Nabih Berry, le chef de l’autre mouvement chiite libanais, Amal. Selon un document datant de 2006, dévoilé par WikiLeaks, le président actuel du Parlement libanais "toucherait 400 000 dollars mensuels de la part de l’Iran, et ne reverserait que le quart à ses partisans". Une information rapidement démentie par son parti.
Ces révélations en provenance de WikiLeaks, qui ne font que confirmer les tensions et les suspicions qui rongent les forces politiques libanaises, ne sont pas prêt de s’arrêter. En effet, le cofondateur du site Julian Assange en personne a récemment affirmé au quotidien israélien Yediot Ahronot son intention de publier près de 6 000 documents en rapport avec Israël, dont certains concerneraient directement le Liban.