Le chef de l'État yéménite a accusé d'ingérence les monarchies du Golfe qui lui proposaient un plan de sortie de crise. Ce vendredi, deux manifestants ont été tués par les forces de l'ordre à Taez, la troisième ville du pays.
AFP - Le président contesté du Yémen Ali Abdallah Saleh a rejeté vendredi un plan de sortie de crise des monarchies du Golfe tandis que deux manifestants ont été tués par les tirs des forces de l'ordre à Taëz, au sud de Sanaa, un épicentre de la contestation de son régime.
Dans une brève intervention devant ses partisans à Sanaa, le président Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, a accusé les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) "d'ingérence" et nommément dénoncé le rôle du Qatar.
Les pays du CCG -Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Oman, Qatar et Koweït-, extrêmement inquiets face à l'instabilité au Yémen, parent pauvre de la Péninsule arabique, avaient proposé leur médiation le 3 avril.
Le CCG est dominé par l'Arabie saoudite, géant pétrolier qui partage une longue frontière avec le Yémen, et qui est inquiet de l'instabilité chez son voisin et de l'activité dans le sud du pays de groupes affiliés à Al-Qaïda.
Mercredi, le Premier ministre du Qatar, cheikh Hamad Ben Jassem Al-Thani, a spécifié que l'offre du CCG prévoyait le retrait immédiat du président Saleh, 69 ans, une exigence de l'opposition toujours refusée par le chef de l'Etat.
La médiation du CCG propose également la remise du pouvoir au vice-président Abed Rabo Mansour, la formation d'un gouvernement dominé par l'opposition et des garanties au président qu'il ne sera pas poursuivi en justice.
"C'est une ingérence flagrante dans les affaires intérieures du Yémen", a lancé le président Saleh, qui a assuré: "Nous tirons notre force de la force de notre grand peuple, ni du Qatar, ni de personne d'autre".
"Nous sommes nés libres, et nous sommes libres de décider", a poursuivi le président Saleh, qui s'est dit prêt à passer la main mais dans le cadre d'une transition ordonnée avant le début 2012.
Le président Saleh s'est exprimé devant ses partisans qui ont marché de la place Tahrir, dans le centre de Sanaa, à une place proche du palais présidentiel, tandis qu'à l'autre bout de la ville, des milliers de protestataires continuent de camper pour exiger son départ.
Ces démonstrations n'ont connu aucun incident contrairement à un rassemblement à Taëz, au sud de Sanaa, où deux manifestants ont été tués par les tirs des forces de l'ordre et des dizaines d'autres blessés.
"Deux manifestants ont été abattus par balle et leurs corps ont été transportés à l'hôpital Safwa", à Taëz, a indiqué ce témoin à l'AFP, confirmant que des dizaines d'autres ont été blessés par balles ou par des inhalations de gaz lacrymogènes.
Un autre témoin a indiqué auparavant que "les forces de l'ordre ont voulu disperser un rassemblement près de l'école Al-Chaab (le peule) proche de la place Hourria (Liberté) et ont tiré à balles réelles et des gaz lacrymogènes".
Les Etats-Unis qui ne semblent plus écarter un départ de M. Saleh ont été prévenus en 2009 par un dirigeant de l'opposition yéménite de l'existence d'un complot visant à renverser le président Saleh via l'organisation de manifestations, selon une note diplomatique révélée par le site WikiLeaks.
Hamid al-Ahmar, un homme d'affaires, avait expliqué à un responsable non identifié de l'ambassade américaine au Yémen que des manifestations seraient déclenchées contre le président Saleh si ce dernier ne "garantissait" pas l'organisation d'élections législatives libres en 2011, selon un câble diplomatique daté d'août 2009, publié vendredi par le Washington Post.
Selon ce document, Hamid al-Ahmar voulait plonger le pays dans un "chaos contrôlé" en s'inspirant des manifestations qui avaient entraîné la chute du président Suharto en Indonésie en 1998.