Dernière ville italienne avant la frontière française, Vintimille voit affluer les immigrés clandestins nord-africains en provenance de Lampedusa qui souhaitent rejoindre la France. Débordée par la situation, l'Italie a demandé l'aide de l'UE.
AFP - "Si je ne prends pas le train, j'essaierai à pied dans la montagne". Adossé avec des dizaines de compatriotes tunisiens au mur de la gare de Vintimille, dernière ville italienne avant la frontière française, Hassen est déterminé à rejoindre sa famille à Lyon.
"Ce soir je dormirai sur le sol, je m'en fous", dit-il. Ils sont souvent 100 étrangers chaque jour, voire subitement 400, à ainsi transiter dans la cité balnéaire.
Hassen, 30 ans, a quitté il y a une semaine sa ville de Sidi Bouzid (centre de la Tunisie). Il a fait appel à la solidarité pour se payer les 1.000 euros de traversée illégale vers l'île italienne de Lampedusa.
De là, les autorités italiennes l'ont emmené en avion à Bari. "J'y suis resté un jour. Le centre d'hébergement était excellent, j'ai pu dormir, manger, me laver, téléphoner. Mais je ne suis pas venu pour dormir!", raconte-t-il.
De Bari, il prend le train vers Turin dans le nord, mais il échoue dans sa tentative de rejoindre la ville alpine française de Modane.
Il est arrêté par des carabiniers qui lui remettent un "laisser-passer de quinze jours", avec la consigne de rentrer dans son pays. "Je l'ai déchiré", précise-t-il en riant, impatient de tenter le coup via la Côte d'Azur.
Son cousin Jend, 33 ans, sourit. Il vient d'appeler son père à Toulouse: "il m'a dit d'essayer d'arriver en France". "Je vais chercher du travail. Mes amis me disent que c'est facile", confie ce maçon.
Devant la gare, Choukri se présente comme un informaticien venu prodiguer des conseils: "je leur dis, si ça se passe pas bien, il faut qu'ils rentrent au pays". Un passeur en quête de clients?
En attendant, les gendarmes italiens fourmillent dans la minuscule gare. Ce jour-là, impossible de monter sans passeport dans un train.
La semaine dernière, un afflux de clandestins avait transformé la gare en cité dortoir, rendant la situation sanitaire critique. "Les gendarmes italiens les laissaient tous monter dans les trains vers la France", a constaté un agent de la société française de chemins de fer SNCF posté à Vintimille.
Des trains locaux partent vers la France toutes les 30 minutes, mais ils s'avèrent très contrôlés côté français. Le long des routes frontalières, à la vue des automobilistes, des petits groupes de clandestins marchent d'un bon pas, sans bagages. D'autres trouvent des passeurs motorisés.
A quelques kilomètres, dans le département français des Alpes-Maritimes, environ 40 clandestins tunisiens sont interceptés chaque jour par la police, qui multiplie les contrôles aléatoires.
Gaetano Antonio Scullino, le maire de Vintimille, attend les décomptes des arrivées transmis par une équipe de 400 carabiniers. Mardi soir, une centaine de migrants sont descendus du seul train arrivant de Rome, précise-t-il.
"Nous sommes une ville frontalière. Nous avons toujours eu des illégaux arrivant par train", note-t-il. Rien à voir avec les 5.000 Kurdes qui avaient envahi plages et gymnases en 2000.
Mais il s'inquiète de la décision préfectorale d'installer cette semaine un centre d'hébergement temporaire de 1.500 lits à Vintimille. "C'est une ville de commerçants, on ne peut pas être la destination après Lampedusa".
Le maire assure que les clandestins ramenés à Vintimille par la police française (notamment 500 Tunisiens en mars) ne sont pas relâchés: "tous les deux jours, on emmène une cinquantaine d'étrangers en fourgon de police au centre de rétention de Turin, pour être renvoyés dans leur pays".
Mais "l'Italie ne peut pas résoudre toute seule le problème" répète-t-il à l'envi. Sa solution: "les clandestins entrés en France devraient être embarqués par bateau à Marseille vers la Tunisie".