Devant les députés, le Premier ministre français a rappelé que l'engagement militaire de paris en Libye était conforme à la résolution adoptée le 12 mars par les Nations unies. L'opposition a mis en garde contre un risque d'enlisement.
C'est en application de l’article 35, alinéa 2, de la Constitution française que le Premier ministre français, François Fillon, s'est exprimé ce mardi après-midi devant l'Assemblée nationale. Ce texte prévoit qu'en cas d'intervention des forces armées françaises à l'étranger, le gouvernement doit "informer" le Parlement, au plus tard trois jours après le début des opérations, sur les raisons et les conditions de cet engagement.
"Jeudi dernier, la révolution en Libye semblait vivre ses dernières heures, a d'abord rappelé François Fillon devant les députés. Deux jours plus tard, à Benghazi [le bastion de l'insurrection, dans l'est du pays, ndlr], l'espoir renaissait. On brandissait le drapeau français et celui d'une autre Libye. Mouammar Kadhafi pariait sur l'impuissance de la communauté internationale. La France a refusé cette fatalité."
"Nous ne sommes pas en guerre contre la Libye"
Le chef du gouvernement a assuré que l'emploi de la force était apparu comme "la seule solution" face à la "froide détermination" du régime libyen, sourd aux appels pressants de la communauté internationale à faire cesser les violences. Quatre éléments ont, selon lui, justifié la décision d'intervenir : la dégradation de la situation sur le terrain ; l'appui des pays de la région - l'appel de la Ligue arabe au Conseil de sécurité de l'ONU, le 12 mars, a constitué un "tournant dans la gestion de la crise", a-t-il affirmé ; la garantie d'une base juridique solide avec l'adoption de la résolution 1973 ; et enfin le fait que cette action soit "collective".
"Nous ne conduisons pas une guerre contre la Libye, mais une opération de protection des populations civiles, a précisé François Fillon. Nos objectifs sont précis et strictement conformes aux paragraphes 4 et 6 de la résolution de l'ONU. Il s'agit de protéger les populations libyennes tout en excluant une occupation au sol [...] Notre message au régime de Mouammar Kadhafi est clair : il faut un arrêt des violences, un retour de l'armée libyenne dans les casernes et un plein accès de l'assistance humanitaire."
"Nous voulons offrir au peuple libyen la possibilité de reprendre courage, de définir une stratégie politique et de décider de son avenir, a-t-il ajouté, en précisant qu'il était totalement exclu de se "substituer à lui" pour décider de son avenir et de celui de ses dirigeants. La France toutefois "appelle au départ de Mouammar Kadhafi", a-t-il précisé.
Pas de commandement de l'Otan, selon Juppé
Le Premier ministre a également détaillé les opérations françaises, en indiquant que les reconnaissances de l'armée de l'air avaient commencé dès le 4 mars. Il a salué le dévouement, le professionnalisme et le courage des soldats français engagés dans cette opération, qui ont un "mandat légitime et une mission noble".
De son côté, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a répondu aux inquiétudes portant sur le commandement de l'intervention. Alors que plusieurs pays de l'Otan plaident pour que l'Alliance atlantique prenne la tête des opérations, Paris y est opposé. "Cette opération, d'abord voulue par l'ONU, est menée par une coalition d'États, dont tous ne sont pas membres de l'Otan. Ce n'est donc pas une intervention de l'Otan", a affirmé Alain Juppé.
Le chef de la diplomatie française a également répété que le Conseil national de transition libyen (CNT) était actuellement le seul interlocuteur valable en Libye. "La totalité de nos partenaires ont reconnu ceci", a déclaré Alain Juppé.
Aux députés, François Fillon a par ailleurs lancé un appel à l'unité nationale. "À Benghazi, le drapeau tricolore a été levé. Il nous met face à nos devoirs. Aujourd'hui, il n'y a ni droite ni gauche, il n'y a que la République qui s'engage avec cœur, avec courage, mais aussi avec lucidité et gravité."
"La Libye ne doit pas devenir un nouvel Irak"
Prenant la parole après le Premier ministre, le président du groupe Parti socialiste à l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault, a affirmé que son parti "approuvait cette intervention qu'il avait souhaité, dans le cadre qu'il voulait", celui des Nations unies.
Jean-Marc Ayrault a toutefois mis en garde contre le risque d'un enlisement. "L'hypothèse de l'enlisement "ne doit pas être exclue", a-t-il dit. "Nous ne connaissons pas les capacités militaires réelles des insurgés libyens. Mouammar Kadhafi n'est pas pressé. Sauf retournement de son propre camp, le temps ne lui fait pas peur."
"La France ne doit en aucune façon prendre part à un plan caché d'une deuxième phase d'engagement militaire ; rien ne doit se faire sans concertation avec les partenaires régionaux et sans mandat des Nations unies. La Libye ne doit pas devenir un nouvel Irak et ne doit pas conduire au même enlisement qu'en Afghanistan", a-t-il insisté.
Une inquiétude exprimée également par les autres groupes politiques français, dont les représentants se sont exprimés tour à tour. "Comment éviter l'engrenage de la guerre civile et de l'enlisement, s'est par exemple interrogé François Bayrou, président du Modem. "Nous sommes intervenus en Libye. Qu'allons-nous faire en Syrie, au Bahreïn, au Yémen ?" a-t-il également lancé.