La Côte d'Ivoire se dirige-t-elle vers une nouvelle guerre civile ? Au moins sept femmes ont été tuées par balles à Abidjan jeudi, lors d'un rassemblement pro-Ouattara. Un lourd bilan qui porte à 365 le nombre de victimes depuis mi-décembre.
La Côte d’Ivoire est au bord du gouffre. Depuis mi-février, les combats entre les partisans d’Alassane Ouattara, le chef de l'État reconnu par la communauté internationale, et l’armée de Laurent Gbagbo, le président sortant, ont repris de plus belle. Cinquante personnes ont été tuées ces sept derniers jours, dont 26 dans le seul quartier d'Abobo à Abidjan, favorable à Alassane Ouattara. Ces chiffres délivrés ce jeudi par l’Onuci, l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire, porte à "365" le nombre de morts depuis mi-décembre. Un bilan qui renforce la crainte de l'ONU d'une "résurgence de la guerre civile".
Abobo, épicentre des affrontements
Jeudi, Abidjan a connu une nouvelle flambée de violences avec la mort d'au moins sept femmes, tuées par balles par les forces de l'ordre fidèles au président ivoirien sortant dans le quartier d'Abobo alors qu’elles scandaient des slogans anti-Gbagbo. "Quand les Forces de défense et de sécurité (FDS) sont arrivées au niveau du groupement de femmes, elles ont ouvert le feu, sans se soucier des victimes engendrées", a confié un témoin contacté par France24.com, sous couvert d'anonymat.
Depuis plusieurs jours, ce quartier de la capitale économique est le théâtre de violents affrontements – à l’arme lourde - entre soldats des FDS et un groupe d’insurgés pro-Ouattara que la presse locale a baptisé "commando invisible", et qui donne du fil à retordre aux forces armées de Laurent Gbagbo.
itCes combats d’une rare violence se sont rapidement doublés par un exode massif qui a déjà "provoqué le déplacement de plus de 200 000 personnes", dans un quartier où la popualtion est estimée "entre 1,5 et 1,8 million de personnes", explique Guillaume Ngefa, directeur adjoint de la Division des droits de l'Homme de l'Onuci. "Des familles entières, vivent dans la peur, privées d'eau et d'électricité".
Un Abidjanais interrogé ce jeudi par FRANCE 24 raconte, à ce propos, l’enfer du quotidien. "La vie est de plus en plus dure, la nourriture se fait rare, l’essence aussi", explique-t-il, tout en mettant l’accent sur les nombreux rackets qui sont désormais légion dans les quartiers.
Les combats gagnent du terrain dans la capitale...
Les affrontements qui se cantonnaient jusqu'à présent, essentiellement à Abobo, s'étendent désormais à d’autres districts d’Abidjan jusque-là épargnés par les combats. À Koumassi (dans le sud de la ville), des explosions secouent le quartier depuis lundi. Même scénario à Yopougon (à l’ouest), bastion de Laurent Gbagbo et à Adjamé (au nord), où des heurts éclatent fréquemment entre jeunes pro-Ouattara et fidèles de Laurent Gbagbo.
itDes fusillades ont également été entendues mercredi près du centre d’Abidjan, dans le quartier des affaires.
"Depuis hier soir, il y a beaucoup de militants pro-Gbagbo dans les rues. Ils disent qu'ils sont à la recherche d'insurgés, ils fouillent dans tous les quartiers, il y a des affrontements partout", déclare un habitant d’Abobo, contacté par France24.com et qui souhaite rester anonyme. "Tout le monde a peur, il y a peu de circulation dans les rues et beaucoup de magasins ont fermé", a-t-il ajouté.
... Et à l'ouest
La semaine dernière, des combats n'ont pas non plus épargné l'ouest du pays, autour de la ville de Danané, dans la province des Dix-huit montagnes, aux confins des frontières libérienne et guinéenne. Ils ont entraîné la mort de 12 soldats des FDS et un combattant des Forces Nouvelles (FN, pro-Ouattara).
Ce regain de violences inquiète d'autant plus que les efforts diplomatiques en cours pour tenter de sortir de l’impasse ivoirienne ne semblent pas porter leurs fruits. Le panel de présidents africains mandaté par l'Union africaine dans ce dossier, qui s'était rendu à Abidjan la semaine dernière, devait présenter des "solutions contraignantes" à la fin du mois dernier. Ils avaient d’ailleurs laissé entendre à ce propos que l'alternative pour sortir le pays du bourbier pourrait se résumer à un partage du pouvoir entre les deux rivaux ou à l'organisation d'un nouveau scrutin. Deux propositions qui sont restées lettres mortes depuis.
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