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La Chambre des conseillers tunisienne, l'équivalent du Sénat français, a voté, ce mercredi, une loi permettant au président intérimaire Foued Mebazaa de gouverner par décrets-lois. Le texte a été adopté à l'unanimité.

AFP - Le Sénat tunisien a adopté mercredi à l'unanimité une loi autorisant le président intérimaire Foued Mebazaa à gouverner par décrets-lois, contournant ainsi le Parlement bicaméral hérité de l'ère Ben Ali.

Le texte, déjà voté à l'Assemblée nationale lundi, a été adopté à main levée par les 86 sénateurs présents, sans aucune abstention, a constaté l'AFP.

A l'ouverture du débat, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi avait exhorté la Chambre des conseillers (Sénat) à voter oui "pour permettre au gouvernement de travailler" et demandé du temps à une population qui perd visiblement patience.

Un jeune homme a été légèrement blessé dans le centre de Tunis par une balle qui a ricoché, alors que des militaires tentaient de canaliser des centaines de personnes, dont des handicapés, devant un bureau d'aide sociale pour toucher de 30 dinars à 150 dinars (15,5 à 78 euros).

Déjà mardi, entre 400 et 500 personnes avaient envahi le gouvernorat au coeur de la capitale pour réclamer du travail et des aides.

"Nous sommes soumis à des pressions sociales à cause des revendications du peuple. Nous les comprenons. Mais il faut prendre en considération le fait que l'Etat n'est pas encore en capacité pour le moment de répondre à toutes ces demandes. Nous n'avons pas de baguette magique", a plaidé M. Ghannouchi devant les sénateurs, en parlant d'"explosion sociale".

Cette loi doit permettre au président Mebazaa de prendre des décrets-lois concernant notamment l'amnistie générale, les textes internationaux relatifs aux droits de l'homme, une réforme du code électoral ainsi que l'organisation des partis politiques.

M. Ghannouchi a d'ailleurs annoncé la légalisation "dans quelques jours" des formations interdites sous Ben Ali et qui en ont fait la demande.

Il ne les a pas citées mais le mouvement islamiste Ennahda de Rached Ghannouchi et le Congrès pour la République (CPR, gauche) de Moncef Marzouki ont déjà déposé un dossier.

Le chef du gouvernement a précisé que cette légalisation vise à "préparer des élections transparentes et équitables avec la participation de tous les partis".

Les autorités de transition ont annoncé des élections présidentielle et législatives dans six mois, sans toutefois donner de date précise, alors que de plus en plus de voix s'élèvent pour juger ce délai intenable.

Un sénateur indépendant a profité de la séance pour interpeller le Premier ministre sur sa légitimé à la tête du gouvernement constitué après la chute du président Ben Ali le 14 janvier: "Vous ne pouvez pas être dans le gouvernement de la révolution. Ne me dites pas que nous n'étiez pas au courant de tout ce qui s'est passé" (sous Ben Ali), a lancé Ridha Mallouli à M. Ghannouchi qui fut onze ans de suite le Premier ministre de l'ex-président.

"La chasse aux sorcières est un danger qui menace notre pays", a répliqué le Premier ministre lors d'une deuxième intervention très applaudie.

Il a à nouveau appelé les Tunisiens à se remettre au travail après "l'explosion sociale qui a perturbé" le processus politique et économique, infligeant "des pertes considérables" au pays.

A l'intérieur du pays, son gouvernement reste soumis à une forte pression depuis qu'il a remplacé il y a une semaine les 24 gouverneurs de région. Ces nominations ont rapidement été contestées, 19 des personnes choisies étant des adhérents ou des proches du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti au pouvoir sous Ben Ali.

Le nouveau gouverneur de la région de Sousse (150 km au sud de Tunis) a été contraint mardi de quitter ses bureaux par une foule en colère. Ses collègues de Monastir (ville voisine) et de Medenine (sud) ont eu droit aussi à des manifestations sous leurs fenêtres.

"Le peuple sait lire les CV", avait ironisé mardi le quotidien La Presse de Tunisie.