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Fragilisé, le gouvernement promet qu'il a tourné la page

Au terme d'une journée marquée par une nouvelle mobilisation des Tunisiens, le président par intérim Fouad Mebazaa a plaidé pour "une rupture totale avec le passé". Le premier conseil des ministres du gouvernement doit se tenir ce jeudi.

Face à la rue, Fouad Mebazaa monte au front. Ce mercredi, le président tunisien par intérim a prononcé sa première allocution depuis sa prise de fonction, au soir d'une nouvelle journée de manifestations.

"Je m'engage à ce que le gouvernement de transition conduise une rupture totale avec le passé", a déclaré Mebazaa à la télévision d'État. La veille, il avait décidé de quitter, de concert avec le premier ministre Mohammed Ghannouchi, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali.

Peu convaincus par ces défections tardives, des milliers de Tunisiens sont une nouvelle fois descendus dans les rues de Tunis, Sidi Bouzid, Regueb, ou encore Kasserine pour exiger le retrait des figures de l'ancien régime du gouvernement d’union nationale. En tout, quatre membres de la nouvelle équipe ont démissionné depuis mardi, mécontents de sa composition.

"La population a fait des sacrifices, a commenté Mustapha Ben Jaafar, le leader du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDLT), sur FRANCE 24. Les Tunisiens ne sont pas prêts à rentrer chez eux en donnant un blanc-seing à une équipe qui n’est pas totalement nettoyée des séquelles de Ben Ali". M. Ben Jaafar est l’un des ministres démissionnaires.

Dans son allocution, Fouad Mebazaa s'est efforcé de calmer le jeu, s’engageant à "satisfaire toutes les aspirations légitimes du soulèvement pour que se réalise cette révolution de la liberté et de la dignité". Celui-ci a notamment promis une prochaine "amnistie générale", la "liberté totale d'information", "l'indépendance de la justice" et "la séparation entre l'État et le parti".

Gestes de bonne volonté

Mercredi, les nouvelles autorités tunisiennes ont multiplié les gestes de bonne volonté à l’égard des mécontents. Le nouveau ministre du Développement, Najib Chebbi, issu des rangs de l'opposition, a assuré que "tous les détenus politiques", dont les membres du mouvement islamiste interdit Ennahda, avaient "été libérés".

Le journaliste et opposant tunisien emprisonné Fahem Boukadous, condamné le 6 juillet dernier à quatre ans de prison ferme, fait partie de cette vague de libérations, a annoncé son épouse.

Le couvre-feu qui était en vigueur depuis vendredi a également été assoupli : il court désormais de 20h00 à 05h00 locale (19h00 à 04h00 GMT).

Le bilan des violentes manifestations qui secouent le pays depuis cinq semaines s’élève à au moins 100 morts, a par ailleurs annoncé l’ONU dans la journée.

Pour Ben Ali, les ennuis commencent

Peu après l'intervention de Fouad Mebazaa, la télévision d'État a diffusé des images de bijoux et d'or qui appartiendraient à des proches de Ben Ali. Selon le commentaire de la chaîne, 33 d'entres eux, soupçonnés de "crimes contre la Tunisie", ont été arrêtés. "Des enquêtes vont être menées pour qu'il soient traduits en justice", dit un communiqué lu à l'antenne émanant d'une "source officielle".

En Arabie saoudite, où l'ancien dictateur a trouvé refuge, les autorités lui ont officiellement interdit toute activité politique liée à la situation en Tunisie.

Par ailleurs, le gouvernement suisse a décidé de geler les avoirs que pourraient détenir le chef de l'État tunisien déchu et sa famille dans le pays. La Suisse emboîte ainsi le pas à la France où, ce mercredi, trois ONG - Sherpa, Transparency International et la Commission arabe des droits humains - ont annoncé avoir déposé plainte, notamment pour corruption, détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et de confiance et blanchiment.