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Australie : après l'attentat de Bondi Beach, des intox sur l'identité d'un tireur et du sauveur
Le 14 décembre, 15 personnes ont été tuées à Sydney lors d'un attentat qualifié de "terroriste" et d'"antisémite" par l'Australie en pleines célébrations de la fête juive de Hanouka. En ligne, certains ont soutenu à tort que l'un des tueurs était en réalité israélien. D'autres intox ont également visé la personne qui a arrêté un des tueurs.
À gauche, une fausse capture d'écran d'un faux profil Facebook qui prouverait que le tireur Naveed Akram est lié à Israël et s'appellerait David Cohen. À droite, un faux article qui prétend que la personne qui a arrêté l'un des assaillants s'appelle Edward Crabtree, et non Ahmed al Ahmed. © Montage Les Observateurs

Au lendemain de l'attentat de Bondi Beach en Australie, le brouillard se dissipe progressivement sur l'identité des deux tueurs. Ce 14 décembre, un père et son fils, Sajid et Naveed Akram, ont tué au moins 15 personnes et fait plus de 40 blessés sur l'une des plus célèbres plages de la ville de Sydney en Australie. 

Selon la police de l'État de Nouvelle-Galles-du-Sud, le père, 50 ans, a été abattu par les policiers, tandis que Naveed Akram, 24 ans, a été blessé et est hospitalisé dans un état critique. 

Ce dernier, qui est citoyen australien de naissance selon le ministère de l’Intérieur, avait fait l'objet d'une enquête du renseignement australien en 2019 pour des liens avec le groupe jihadiste État islamique (EI), comme l'a révélé la chaîne publique australienne ABC.

Fausses accusations sur des liens présumés entre Naveed Akram et Israël

Malgré ces éléments, plusieurs comptes en ligne ont affirmé, sans preuves, que Naveed Akram serait directement lié à Israël. Sur X, un compte qui se décrit comme un "musulman palestinien sans complexe" a soutenu dès les premières heures que Naveed Akram était en réalité un "soldat de l'armée israélienne" qui aurait combattu à Gaza et serait revenu en Australie. La publication, vue plus de neuf millions de fois, ne s'appuie toutefois sur aucun élément concret et ne renvoie à aucun élément paru dans la presse.

D'autres comptes, qui soutiennent également que le tueur serait en réalité israélien, ont affirmé que Naveed Akram s'appelait en réalité David Cohen, en partageant cette fois-ci une supposée capture d'écran d'un compte Facebook qui s'identifie comme un "Juif fier".

"Voici le profil Facebook du tireur de la plage de Bondi qui a fuité avant qu'il ne soit supprimé. Son vrai nom est David Cohen et il est JUIF, D'ISRAËL !", prétend un compte pro-palestinien sur Instagram à partir de cette capture d'écran d'un profil dont la photo semble ressembler de prime abord à Naveed Akram.

Australie : après l'attentat de Bondi Beach, des intox sur l'identité d'un tireur et du sauveur
Capture d'écran d'un compte sur Instagram (à g.) et d'un compte sur X (à d.) qui soutiennent que l'un des tueurs de la fusillade de Bondi Beach s'appelait en réalité David Cohen. © Instagram / X

Mais plusieurs éléments montrent que cette image de profil Facebook est un montage. 

Tout d'abord, trois "amis" de ce compte sont visibles sur la capture d'écran (voir ci-dessous entouré en vert) : la rédaction des Observateurs n'a retrouvé aucun de ces profils sur Facebook, ce qui laisse penser qu'aucun d'entre eux n'existe réellement.

Plusieurs fautes de frappe et bugs visibles à l'image montrent également que cette capture d'écran est un montage fabriqué de toutes pièces et potentiellement généré par intelligence artificielle. La première lettre d'un des onglets est en effet partiellement coupée, tout comme les descriptions sous les prétendus amis.

Sur cette fausse page de profil en anglais, on retrouve également des mots mal traduits, comme le mot "Ernsage" qui remplace la touche "Add Friend" (ajouter un ami) normalement visible sur les pages en anglais, ou la phrase "Add a new Friends", grammaticalement incorrecte en anglais.

Australie : après l'attentat de Bondi Beach, des intox sur l'identité d'un tireur et du sauveur
Plusieurs éléments montrent que cette image de profil Facebook est un montage. Les "amis" visibles (en vert) n'existent pas sur Facebook, et plusieurs erreurs de traduction (en rouge et bleu) et bugs (en orange) montrent qu'il s'agit d'un faux visuel. © Montage Les Observateurs

Un faux site change le nom du héros qui a désarmé un tireur 

Depuis le 14 décembre, une autre intox a cette fois-ci visé la personne saluée comme un "héros" par le Premier ministre australien Anthony Albanese et plusieurs responsables politiques à travers le monde. Cet homme a été identifié par les médias australiens comme étant Ahmed al-Ahmed, un homme de 43 ans d'origine syrienne intervenu à mains nues contre l’un des assaillants. 

Sur une des vidéos de la scène, on peut le voir se faufiler entre des voitures garées et sauter sur le tireur, le ceinturant et s'emparant de son arme.

Australie : après l'attentat de Bondi Beach, des intox sur l'identité d'un tireur et du sauveur
À gauche, capture d'écran de l'article du faux site d'actualité thedailyus.world, qui prétend que le sauveur de Bondi Beach s'appelle Edward Crabtree. Une recherche Whois (à droite), montre que ce faux site d'actualité a été créé le jour de l'attentat. © Whois / Montage Les Observateurs

Cependant, dès les premières heures après l'attentat, plusieurs comptes ont prétendu que ce "héros" s'appelait en réalité "Edward Crabtree", sur fond de discours anti-immigration. "Il s'appelle Edward Crabtree, c'est un habitant de Bondi, pas un certain Ahmed", prétend notamment un compte sur X, dont la publication a été vue plus d'un million de fois.

Sur X, Grok, le chatbot d'intelligence artificielle générative créé par la plateforme et régulièrement épinglé pour partager de fausses informations, a aussi confirmé ces affirmations pourtant erronées : l'outil de X a même précisé qu'Edward Crabtree était un "professionnel de l'informatique âgé de 43 ans" et avait "héroïquement maîtrisé et désarmé un tireur lors d'une attaque terroriste à Bondi Beach". 

Mais ce nom provient en réalité d'un faux site d'actualités, comme l'ont depuis relevé plusieurs internautes et services de vérification, comme celui de la RTBF. L'origine de cette intox est en effet claire : certains comptes qui ont partagé le nom d'Edward Crabtree ont affirmé s'appuyer sur un article d'un site intitulé "the dailyaus.world", qui reprend le nom du média australien The Daily Aus.

Ce site, qui ressemble à première vue à un site d'actualité classique, prétend avoir interviewé Edward Crabtree depuis sa chambre d'hôpital. "Je n'ai pensé à rien. J'ai juste agi", aurait ainsi affirmé ce dernier, comme il est possible de le lire dans un article publié le 14 décembre, qui rassemble toutes les affirmations - fausses - sur l'identité de ce supposé tireur reprises par Grok et d'autres internautes.

Problème : thedailyaus.world est en réalité un faux site d'actualités créé de toutes pièces. Tout d'abord, le site a été créé le jour-même de l'attentat, comme il est possible de le déterminer à partir d'une recherche via l'outil Whois, qui permet d'en savoir plus sur l'origine d'un site web

Par ailleurs, aucune information n'est disponible sur les personnes à l'origine du site et la page d'accueil, qui semble à première vue renvoyer vers plusieurs articles différents et ne fait que rediriger vers le même article sur le climat. Les différentes pages de rubriques ne font par ailleurs que rediriger vers des pages d'erreur 404, ce qui signifie qu'aucune page n'existe. D'autres onglets visibles comme la page "À propos", ne renvoient également vers aucune page, laissant penser que ce site est en réalité une coquille vide.

Une augmentation des actes antisémites en Australie

Depuis deux ans, l’Australie, qui compte la plus forte concentration de survivants de la Shoah au monde après Israël, a connu une série d'attaques inédites contre des lieux juifs.

En réponse, le gouvernement australien a expulsé l’ambassadeur d’Iran et trois autres diplomates iraniens en août 2025. Après une enquête des services de renseignement, il avait conclu que les Gardiens de la révolution étaient les commanditaires de ces deux attaques.

Dans un rapport publié en juillet 2025, l’envoyée spéciale du gouvernement pour lutter contre l’antisémitisme, Jillian Segal, estimait que la multiplication d’actes antisémites dans un pays qui n’en connaissait que très peu jusqu’alors était "due au conflit au Moyen-Orient, à la manipulation des récits dans les médias traditionnels et sur les réseaux sociaux, ainsi qu'à la propagation d'idéologies extrémistes. Des mythes anciens et des informations erronées ont refait surface sous de nouvelles formes pour justifier la violence et les menaces à l'encontre de la communauté juive australienne".