logo

Trois leaders de l'opposition intègrent le gouvernement d'union nationale

Le Premier ministre tunisien Mohammed Ghannouchi a dévoilé la composition du nouveau gouvernement d'union nationale, ce lundi. Néjib Chebbi, Ahmed Brahim et Mustapha Ben Jafaar, ainsi que des personnalités de la société civile, y font leur entrée.

Des responsables du gouvernement démis de Zine El-Abidine Ben Ali, des opposants et des représentants de la société civile. Comme prévu, le Premier ministre tunisien, Mohammed Ghannouchi, a annoncé ce lundi la composition d'un gouvernement d'union nationale composé d'une vingtaine de ministres. Trois jours après la fuite du président Zine El-Abidine Ben Ali à l'étranger après un mois de violentes émeutes, cette nouvelle équipe aura pour tâche d'organiser la transition. 

it
Trois leaders de l'opposition intègrent le gouvernement d'union nationale

Au moins six ministères, dont plusieurs considérés comme stratégiques, restent aux mains des membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de l'ancien président Zine El-Abidine Ben Ali. Diplomate aguerri, Kamel Morjane conserve le ministère des Affaires étrangères, qu'il occupe depuis janvier 2010, tout comme le ministre de la Défense, Ridha Grira, le ministre de l'Intérieur, Ahmed Friaa et le ministre des Finances, Mohamed Ridha Chalghoum, restent à leur poste.

"On a gardé […] les membres du RCD dont on considère qu'il n'ont pas trempé dans les dérives du régime Ben Ali", commente Pauline Simonet, spécialiste de politique internationale à FRANCE 24. "Kamel Morjane, le chef de la diplomatie, est assez apprécié sur la scène internationale. Le ministre de l'Intérieur est, lui, en poste depuis très peu de temps : Zine El-Abidine Ben Ali, juste avant de partir, avait limogé son prédécesseur, Rafik Belhaj Kacem, pour nommer un universitaire et technocrate plus apprécié de la population."

Trois opposants historiques au gouvernement

Qui sont les principaux acteurs de la transition en Tunisie ?
{{ scope.counterText }}
{{ scope.legend }}
{{ scope.counterText }}
i

{{ scope.legend }}

© {{ scope.credits }}

Les leaders des trois principaux partis d'opposition légaux se voient également accorder des responsabilités importantes. Néjib Chebbi, leader historique du Parti démocratique progressiste (PDP), est nommé ministre du Développement régional. "J’ai pris personnellement la charge de ce dossier parce que c’est de là que tout est parti, a-t-il expliqué, ce lundi, sur FRANCE 24. Je voudrais me mettre à l’écoute de la population, définir avec elle ses besoins, ses priorités et les moyens à mettre en œuvre pour qu’il y ait un développement régional équilibré."

"Néjib Chebbi est le chef de file de l'opposition tunisienne qui est assez morcelée, précise Pauline Simonet. C'est un avocat et un brillant orateur dont se méfiait beaucoup Zine El-Abidine Ben Ali."

it
Trois leaders de l'opposition intègrent le gouvernement d'union nationale

Ahmed Brahim, président du parti indépendant Ettajdid, prend en charge l'Enseignement supérieur et scientifique et Mustapha Ben Jafaar, secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) et médecin, la Santé.

Les violences ont fait 78 morts

Dans une interview à la télévision publique tunisienne, le ministre de l'Intérieur, Ahmed Friaa, a annoncé que les violences commises en Tunisie pendant la révolte populaire et les troubles postérieurs ont fait 78 morts et 94 blessés au total.

Des personnalités de la société civile font, elles aussi, leur entrée au gouvernement, à l'instar de l'ancien bâtonnier Lazhar Karoui Chebbi, nommé à la Justice. L'ancien secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) et président de l'Institut arabe des droits de l'Homme, Taïeb Baccouche, se voit attribuer le ministère de l'Éducation.

Mohammed Ghannouchi a également annoncé que le nouveau gouvernement s'engageait à libérer tous les prisonniers politiques, à légaliser tous les partis politiques qui en feraient la demande et à lever l'interdiction visant la Ligue tunisienne des droits de l'Homme. Toutes les personnes possédant des "énormes richesses" ou soupçonnées de corruption seront soumises à des investigations, a-t-il ajouté.

Ce cabinet transitoire aura pour mission principale d'organiser des élections présidentielle et législatives. Selon Néjib Chebbi, le délai constitutionnel de deux mois devrait être prolongé à six mois. "Un accord est passé sur six mois pour mettre en œuvre les réformes constitutionnelles et législatives qui préparent à une élection neutre, sous l’égide d’un haut comité neutre et en présence des observateurs internationaux."

Leïla Trabelsi a-t-elle embarqué 1,5 tonne d'or ?

La famille du président Ben Ali aurait pris la fuite avec 1,5 tonne d'or, affirme le journal Le Monde. Selon le quotidien, Leïla Trabelsi, la femme du président, "se serait rendue à la Banque centrale de Tunisie chercher des lingots d'or", et aurait essuyé un refus du gouverneur, avant qu'il ne cède sous la pression de Zine El Abidine Ben Ali. Cette information a été démentie par la Banque centrale de Tunisie.

Les partis communiste et islamiste, grands absents

Les grands absents de ce gouvernement d'union nationale sont le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT), le parti islamiste Ennhadha et le Congrès pour la République (CPR). Ces trois partis d'opposition, interdits sous le régime de Zine El-Abidine Ben Ali, vont être à nouveau autorisés, mais leurs représentants n'ont pas été conviés aux discussions.

Le leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, en exil à Londres, a annoncé son retour prochain en Tunisie. Hamma Hammami a, lui, fait savoir sur FRANCE 24 qu'il ne reconnaîtrait pas ce gouvernement d'union, qui "continue la politique de Zine El-Abidine Ben Ali." Quant au leader du CPR, Moncef Marzouki, qui a annoncé sa candidature à la prochaine présidentielle dans la matinée, il voit dans ce gouvernement une "mascarade".

it
Trois leaders de l'opposition intègrent le gouvernement d'union nationale

En fin d'après-midi, la situation restait très calme dans la capitale. "L'avenue Habib Bourguiba est extrêmement tranquille, il y a une forte présence policière, constatait Virginie Herz, envoyée spéciale de FRANCE 24 à Tunis. Les gens sont rentrés chez eux en prévision du couvre-feu."

La population apparaît cependant divisée sur la constitution du nouveau cabinet. "Certains Tunisiens se disent rassurés par la présence de membres du RCD dans le gouvernement, ajoute Virginie Herz. Ils pensent qu'il faut laisser à la démocratie le temps de s'installer, le temps à la démocratie de se faire. Ils ne veulent pas passer d'un extrême à l'autre."

it
La journée de lundi à Tunis
Trois leaders de l'opposition intègrent le gouvernement d'union nationale