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Manifestations et répression se poursuivent, le bilan des victimes s'alourdit

Déployée mercredi dans la capitale tunisienne, l'armée a laissé la place ce jeudi à des unités spéciales de la police. Au moins un jeune homme a été tué la nuit dernière dans la banlieue de Tunis, malgré le couvre-feu décrété hier.

La Tunisie reste secouée, ce jeudi, par de violents affrontements. Au lendemain de l'annonce de différentes mesures par le gouvernement de Ben Ali - notamment le limogeage du ministre de l'Intérieur et la libération de tous les manifestants arrêtés depuis le début des émeutes -, le mouvement de contestation sociale ne montre aucun signe d'essoufflement. Le président tunisien doit d'ailleurs s'exprimer à nouveau ce jeudi après-midi.  

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"POUR LE MOMENT, C'EST UN PETIT PEU L'INCERTITUDE"
Manifestations et répression se poursuivent, le bilan des victimes s'alourdit

"Les affrontements et la répression continuent, confirme l'envoyé spécial de FRANCE 24 en Tunisie, Cyril Vanier. Même si le bilan des victimes varie selon les sources, il est certain que la police continue à tirer à balles réelles sur les manifestants dans plusieurs villes du pays."

Depuis l'immolation du jeune chômeur Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, le 17 décembre, les Tunisiens dénoncent, dans un mouvement de contestation inédit, le chômage et la précarité qui frappent notamment la jeunesse. Ils réclament également le départ du président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, accusé, avec ses proches, de s'accaparer les richesses du pays. 

"Une liste nominative de 66 victimes" 

Jeudi après-midi, plusieurs sources faisaient état de "tirs" et d'une "fumée noire" dans le centre de Tunis. Plus tôt, plusieurs centaines de jeunes manifestants ont à nouveau tenté de manifester entre la rue de Rome et l'avenue Habib Bourguiba. Ils ont rapidement été dispersés par la police, qui a utilisé des grenades lacrymogènes. Selon des témoins cités par l'AFP, plusieurs milliers de personnes ont aussi défilé à Sidi Bouzid, dans le centre-ouest du pays. 

Dans la nuit de mercredi à jeudi, des affrontements extrêmement violents avaient déjà eu lieu entre les forces de l'ordre et des jeunes dans deux cités des faubourgs de Tunis, en dépit du couvre-feu nocture illimité instauré par les autorités. Au cours de ces heurts, au moins deux jeunes de 24 et 25 ans ont été tués dans le quartier d'Ettadhamen, une banlieue ouvrière située à 15 kilomètres de la capitale.

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"LES HABITANTS RESTENT MOBILISÉS, MAIS MOBILISÉS CONTRE QUI ?"
Manifestations et répression se poursuivent, le bilan des victimes s'alourdit

"Magid Nasria été mortellement blessé par des tirs de la police, une heure environ avant le couvre-feu", a affirmé un habitant de la cité à l'AFP. Selon Cyril Vanier, il devait être enterré ce jeudi. Des clashs ont également eu lieu dans la cité voisine d'Intilaka, provoquant des dégâts matériels considérables. 

Selon la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), ce sont au moins huit personnes qui ont été tuées au cours de la nuit dans la banlieue de la capitale. Des habitants des deux cités ont fait état de six victimes, selon l'AFP. Douze personnes auraient également été tuées pendant la nuit dans le reste du pays, à Sfax, Beguèche, Douz, Dour Chabane, Hammamet et Thala. 

La FIDH a également revu son bilan général à la hausse et parle désormais de 66 victimes depuis le début des émeutes. "Nous avons une liste nominative. On a recensé 58 morts depuis le début des troubles, hors Tunis. On vient de recevoir confirmation de 8 morts et 50 blessés dans la nuit dans l'agglomération de Tunis", a déclaré ce jeudi Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH. Celle-ci a ajouté que ce bilan était "incomplet" et "provisoire", et qu'il va "sûrement s'alourdir". Le dernier bilan officiel, qui date du début de la semaine, faisait état de 21 victimes.

Des unités spéciales de la police déployées

Une ressortissante suisse d'origine tunisienne ainsi que le Franco-Tunisien Hatem Bettahar, professeur d'informatique à Compiègne, dans le nord de la France, figurent parmi les victimes des émeutes. Ce dernier se trouvait en Tunisie dans le cadre d'un échange universitaire. Il a été tué dans la ville de Douz, lorsque la police a ouvert le feu sur des manifestants rassemblés mercredi matin devant le siège de la sous-préfecture. 

Le pays, et notamment la route menant au palais présidentiel, à Carthage, reste sous haute surveillance. Si l'armée s'est retirée ce matin de la capitale tunisienne, où elle s'était déployée la veille, des blindés et des unités d'intervention de la police ont pris position avenue Bourguiba et place Barcelone. De nombreux policiers anti-émeutes quadrillent le centre de la capitale. Seuls deux véhicules de l'armée sont encore positionnés autour de l'ambassade de France. Toutes les compétitions sportives prévues cette semaine ont également été reportées. 

Si la prudence des autorités françaises concernant la répression des manifestations est de plus en plus critiquée, l'Union européenne (UE) envisage de suspendre les négociations en cours avec la Tunisie concernant le renforcement de leurs relations bilatérales. "Nous suivons de très près la situation et réfléchissons aux implications des événements récents sur les relations entre l'UE et la Tunisie", a déclaré la porte-parole de la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton. La Haut commissaire aux droits de l'Homme des Nations unies, Navi Pillay, a également appelé la Tunisie à ouvrir une enquête sur les violences policières.