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Les chrétiens d'Irak célèbrent Noël dans l'inquiétude

Toujours sous le choc après l'attaque de la cathédrale syriaque catholique de Bagdad le 31 octobre dernier qui a fait 53 morts, les chrétiens d'Irak, victimes régulières de meurtres et d'enlèvements, célèbrent un Noël sans festivités.

Pas de sapin, de chants, de guirlandes, de crèches, et encore moins de messe de minuit. Le Noël des chrétiens d’Irak se fête cette année le plus discretèment possible cette année, après la multiplication des attaques récemment. Les représentants des différentes communautés chrétiennes d’Irak ont annoncé l’annulation des célébrations publiques de Noël et réduit drastiquement le nombre de messes.

A Kirkouk, l’archevêque catholique chaldéen Louis Sako a renoncé aux décorations sur son église et demandé aux fidèles de ne pas décorer leur maison. A Mossoul, le prêtre syriaque orthodoxe Faiz Wadee a annulé les célébrations religieuses. A Kirkouk, les enfants ne verront pas comme chaque année le père Noël devant les églises. Et dans la plupart des lieux de culte de Bagdad, la messe de minuit a été annulée pour être repoussée au lendemain matin.
Dans la cathédrale Saiydat  ("Notre-Dame du Perpétuel Secours ") de Bagdad, une messe raccourcie doit être célébrée en début de soirée, au milieu des stigmates de l’attaque du 31 octobre dernier. Ce jour-là, un commando se réclamant de l'État islamique d'Irak, un groupe armé affilié à Al-Qaïda, est entré dans l'enceinte de l’église en plein office et a pris en otage, pendant plus de quatre heures, la centaine de fidèles présents sur les lieux. 53 personnes ont été tuées, des dizaines blessées.
Depuis, les chrétiens vivent dans la terreur et la fréquentation des églises a radicalement

baissé. Joseph Thomas, Frère dominicain à Bagdad et rédacteur en chef de la revue "La Pensée chrétienne", ne s’attend pas à voir plus d’une vingtaine de personnes venir le rejoindre dans son couvent pour la messe de vendredi soir.

"Il n’y a pas de signe extérieur de célébration. C’est, en apparence, un jour comme les autres. Toutes les églises portent le deuil de l’attaque de la cathédrale Saiydat. Noël se réduira donc à la prière avec un nombre réduit des fidèles, explique à France24.com Frère Thomas. Finalement, nous serons comme lors du tout premier Noël : quelques bergers et la Sainte famille !"

" Nous faisons face à un génocide"

Il en faut, du courage, pour continuer à fréquenter les églises irakiennes. Les chrétiens y font face à une violence endémique depuis l’occupation américaine en 2004. Entre 2004 et 2009, plus d’une soixantaine d’églises ont été attaquées. Après une légère accalmie au début de l’année 2010, le massacre du 31 octobre a marqué un regain de violence.
"C’est la première fois qu’il y avait une attaque aussi violente, aussi brutale. Maintenant, nous pouvons dire que les chrétiens font face à un génocide et non à un massacre", déclare à France24.com Yonadem Kanna, député chrétien.
Depuis ce que d'aucuns appellent le "massacre de la Toussaint", les violences ont repris de plus belle. Dix jours après la prise d’otage, une série d’attentats à la bombe et à la roquette visant des domiciles chrétiens de Bagdad a fait six morts et des dizaines de blessés. Elish Yako, secrétaire général de l'association d'entraide des minorités d'Orient (AEMO), signale également le meurtre d’un couple de personnes âgées, tuées chez elles à l’arme blanche, début décembre. "Le couple a été attaqué au couteau, une arme utilisée pour terroriser les populations chrétiennes. Une croix a été dessinée sur la poitrine du mari de 85 ans avec la pointe de la lame pour bien montrer que ce sont des chrétiens qui étaient visés".
Des homicides à l’arme à feu et des enlèvements de chrétiens ont également été signalés à Mossoul.
L’insécurité permanente qui règne en Irak pousse un nombre croissant d'entre eux à prendre le chemin de l’exil. Selon les chiffres de l'Eglise, les chrétiens en Irak sont passés de 1,25 million en 2003 à 870 000 aujourd'hui. Une baisse qui semble devoir se poursuivre. Après le "massacre de la Toussaint", près de 1300 familles chrétiennes ont quitté Bagdad et Mossoul pour se réfugier à l’étranger ou dans le nord du pays, au Kurdistan irakien.
Une période à risques
Pour mettre fin à l’hémorragie et assurer la sécurité de ceux qui restent, la communauté internationale demande au gouvernement d’accroitre les mesures de protection des chrétiens. Dans un rapport publié en décembre, Amnesty International redoute une montée d’hostilité pendant la période de Noël, symboliquement propice aux attaques. En 2009, des attentats à la bombe avaient frappé Mossoul entre les 15 et les 23 décembre. 
"Nous craignons que des activistes ne tentent de commettre des actes graves contre les chrétiens lors des fêtes de Noël afin de faire un maximum de bruit et de mettre le gouvernement dans l’embarras", a déclaré dans un communiqué Malcolm Start, directeur du programme Moyen-Orient d’Amnesty International.
Trois Libyens soupçonnés de préparer des attentats suicide pour Noël à Mossoul ont été arrêtés par l’armée irakienne le 20 décembre 2010. Les mesures de sécurité ont donc été renforcées aux abords des lieux de cultes chrétiens où la police irakienne a mis en place des zones tampons et barrières sécuritaires, dont se félicite le député Yonadem Kanna.

"Des routes ont été fermées, les églises encerclées par la police. Ces mesures représentent une vraie avancée de la part du gouvernement qui a pris conscience du danger bien que je pense, pour ma part, qu’il ne soit pas plus important à Noël. Mais c’est psychologiquement plus dur pour les chrétiens qui continuent d’avoir peur, et surtout pendant la période des fêtes."