
Des proches des victimes de l'attentat de Karachi en 2002 demandent à la justice française qu'elle entende le président Nicolas Sarkozy, ainsi que son prédécesseur Jacques Chirac, comme témoins pour contourner la question de leur immunité.
Comme les autres proches des 11 victimes de l'attentat de Karachi, en mai 2002, Sandrine Leclerc, dont le père est décédé dans l’attaque, souhaite l’audition comme témoin du président français, Nicolas Sarkozy. "Il peut très bien se porter volontaire pour se constituer témoin et éclaircir un certain nombre de points, puisque son nom revient à plusieurs reprises dans le dossier d’instruction", a soutenu Sandrine Leclerc sur FRANCE 24.
Selon certaines sources et documents, la justice suit depuis plus d'un an la piste de représailles pakistanaises à l'arrêt du versement de commissions sur la vente de sous-marins au Pakistan, promises par le gouvernement dirigé par Édouard Balladur entre 1993 et 1995, et dont Nicolas Sarkozy était ministre du Budget. Une partie de cet argent aurait servi au financement de la campagne de Balladur pour la présidentielle de 1995, dont le porte-parole était... l'actuel locataire de l'Élysée.
"L'audition du chef de l'État est possible durant son mandat, même s'il est couvert par une immunité présidentielle", assure l’avocat d’une partie des familles de victimes, Me Olivier Morice. L'article 67 de la Constitution prévoit que "[le président de la République] ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite."
Les parties civiles ont également demandé l’audition du Jacques Chirac, prédécesseur de Nicolas Sarkozy. Le témoignages des deux chefs d’État sur les circonstances entourant l’attentat de 2002 semble d’autant plus capital que l’ex-ministre de la Défense, Charles Millon, a confirmé devant le juge d’instruction, l’existence de rétrocommissions illégales, en marge de contrats de ventes de sous-marins au Pakistan et de frégates à l'Arabie saoudite. C’est l’arrêt du versement de ces rétrocommissions, décidé par le président Jacques Chirac au début de son mandat en 1995, qui a pu, selon certaines hypothèses, mener à des représailles pakistanaises.
Sandrine Leclerc déplore le fait que "depuis avril 2008, date à laquelle Nicolas Sarkozy nous avait reçus, nous n’avons plus aucun contact avec le chef de l’État. Il s’était pourtant engagé à nous recevoir tous les ans et à nous donner des nouvelles. Depuis que la piste politico-judiciaire est sortie, fin 2008, Nicolas Sarkozy refuse de nous voir, invoquant la séparation des pouvoirs."
it"Il faut respecter les institutions de la Ve République"
Député de la majorité, Nicolas Dhuicq défend le droit du chef de l’État de rester à l’écart de l’affaire : "Je comprends la douleur des familles, mais il faut respecter les institutions de la Ve République, et l’immunité du président de la République", a-t-il déclaré par téléphone sur FRANCE 24.
itC’est ce même argument de respect des institutions qu’a invoqué le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, pour refuser l’accès au juge Marc Trévidic aux travaux de la Commission de défense nationale, selon les informations du journal "Le Parisien". Les membres de cette commission ont auditionné depuis octobre 2009 une soixantaine d’acteurs du dossier, dont l’ancien Premier ministre Édouard Balladur.
Également membre de la commission, Nicolas Dhuicq s’en explique sur FRANCE 24 : "Ce qui a été fait à l’Assemblée nationale n’est pas une mission de justice, ni une mission en rapport avec une demande d’enquête. Nous avons reçu des personnes qui avaient ou n’avaient pas des informations sur le sujet. Il n’y a pas d’informations particulièrement confidentielles. D’ailleurs, les comptes-rendus [mais pas la retranscription des auditions, NDLR] sont publics sur le site de l’Assemblée nationale." [À lire : le tome 1 du rapport ici et le tome 2 ici]