Le calme semble revenu au lendemain de la tentative de coup d'État militaire. Mais, selon une source militaire anonyme, les mutins négocieraient avec le pouvoir. Sur FRANCE 24, le Premier ministre Camille Vital s'était pourtant voulu rassurant.
Le calme semble revenu ce jeudi dans la capitale malgache, Antananarivo, au lendemain de la tentative de putsch perpétrée par un groupe de militaires en plein milieu d'un référendum sur un projet de nouvelle Constitution.
Selon Nicolas Baker, correspondant FRANCE 24 à Antananarivo, "il n’y a pas de signes d’une forte présence militaire dans les rues de la capitale, bien que certains des officiers mutins aient dit qu’ils allaient s’emparer du palais présidentiel et de l’aéroport". "Les gens sont assez perplexes. Tout semble normal aujourd’hui", explique-t-il.
Les mutins qui ont déclaré la veille avoir pris le pouvoir, seraient ce jeudi, selon l’AFP qui cite une source militaire anonyme, en cours de négociations avec le gouvernement.
Mercredi soir, le Premier ministre Camille Vital s'était voulu rassurant. "Jusqu'à présent, tout se passe normalement", a-t-il déclaré au micro de FRANCE 24, après la fermeture des bureaux de vote suite au référendum.
Les putschistes n'ont pris "aucun" bâtiment officiel et "nous sommes en train de contrôler la situation", a ajouté le Premier ministre. Il entend ainsi réfuter toute tentative de coup d'État annoncée dans la journée par un général malgache.
Une vingtaine d'officiers de l'armée avait indiqué avoir dissous toutes les institutions gouvernementales et formé un comité militaire.
it"À partir de maintenant, toutes les institutions existantes sont suspendues, et c’est un Comité militaire qui va gérer les affaires du pays", a affirmé le général Noël Rakotonandrasana, ancien ministre des Forces armées limogé le 7 avril dernier. Il s'exprimait depuis un camp militaire proche de l'aéroport d'Antananarivo, à une quinzaine de kilomètres de la ville.
Pour sa part, le colonel Charles Andrianasoavina, un des chefs militaires putschistes, indiquait sur FRANCE 24 qu'ils avaient "l'intention de prendre le contrôle de l'aéroport" jeudi, ainsi que le Palais présidentiel.
Cette déclaration est restée, toute la journée d'hier, sans effet perceptible dans la capitale. En fin de journée, de brèves échauffourées avaientt éclaté près de l'aéroport, entre les forces de l'ordre et quelques centaines de manifestants anti-gouvernementaux.
"L'État prendra ses responsabilités et agira en conséquence. Actuellement, il y a une réunion à la Primature avec l'État-major. Ce sont eux qui vont déterminer les mesures à prendre", a déclaré à la presse l'homme fort du pays, Andry Rajoelina.
Le pays est plongé dans une grave crise politique depuis décembre 2008, au moment où Andry Rajoelina, alors maire de la capitale Antananarivo, avait mené une fronde contre le très impopulaire président Marc Ravalomanana. Sous la pression militaire et populaire, ce dernier avait fini par remettre le pouvoir à un directoire militaire, en mars 2009, qui l'avait ensuite confié à Andry Rajoelina.
Une tentative de coup d'État qui intervient à un moment-clé
La tentative de coup d’État intervient au moment où un scrutin-clé est organisé pour le régime en place. En effet, près de huit millions de Malgaches étaient appelés aux urnes mercredi pour se prononcer sur un projet de Constitution, taillé sur mesure pour l’homme fort de Madagascar. Ce nouveau texte, s'il était avalisé, permettrait notamment à Andry Rajoelina, âgé de 36 ans, de briguer la présidence malgache, jusqu’à présent interdite aux personnes âgées de moins de 40 ans.
Cette consultation populaire est présentée par le camp du dirigeant malgache comme la première étape d’une sortie de crise, qui paralyse la Grande Île depuis près de deux ans. Des élections législatives et présidentielle devraient être organisées courant 2011. "Ce référendum est un rendez-vous avec l’Histoire, a affirmé Augustin Andriamananoro, directeur de campagne pour le "oui". "Cette nouvelle Constitution va corriger les erreurs du passé par rapport aux abus de pouvoir et instaurer un pacte social entre gouvernés et gouvernant".
Rajoelina à la recherche d'une légitimité au travers du référendum
Pour nombre d’observateurs cependant, ce scrutin n’est qu’une manière d’asseoir le pouvoir du président par intérim. "Ce référendum ressemble à une marche forcée organisée par Rajoelina pour s’imposer et se forger une légitimité", déplore Franck Ramarosaona. "Il suffisait de voir la campagne : elle était axée sur la personne de Rajoelina, pas sur le référendum", poursuit-il.
"L’opposition n’a pas réussi à se faire entendre [au cours de la campagne référendaire]", ajoute Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de recherche internationale et stratégique (Iris), en charge de l’Afrique. "Le "oui" va vraisemblablement l’emporter. Mais le nombre de votants risque d’être faible, ce qui pourrait entraver la légitimité que recherche Rajoelina", poursuit le chercheur, n’excluant pas un gonflement frauduleux du taux de participation.
En effet, malgré une campagne référendaire menée en grande pompe – prenant parfois des allures de campagne présidentielle avec distribution de tee-shirts, promesses mirobolantes et grands meetings politiques –, le référendum ne soulève que peu d’enthousiasme au sein de la population. En fin de matinée mercredi, selon des chiffres non-officiels, seuls 18 % des électeurs s’étaient déplacés dans les 18 000 bureaux de vote de l’île. À la veille du référendum, les partisans du "oui" affirmaient pourtant attendre plus de 40 % de participation.
"Il y a une très grande lassitude chez les Malgaches, rapporte Franck Ramarosaona. Je crains une nouvelle crise, aussi violente que celle de 2002 [qui avait fait une centaine de morts lors des émeutes qui avaient éclaté au moment de la présidentielle]".
Le mécontentement des Malgaches est accentué par un taux de chômage croissant et une situation économique catastrophique. Le pays, l’un des plus pauvres du monde, s’enfonce dans une crise économique persistante depuis que les bailleurs de fonds (Union européenne, France, Etats-Unis, ONU…) ont suspendu leur aide, après la prise de pouvoir d’Andry Rajoelina en 2009.