L'Agence chargée du suivi des produits de santé (Afssaps) estime que le médicament Mediator, prescrit à partir de 1975 et interdit depuis 2009, à des patients diabétiques en surpoids, aurait provoqué la mort d'environ 500 personnes en 30 ans.
AFP - Le Mediator, un médicament pour diabétiques en surpoids utilisé aussi par des non-diabétiques et interdit depuis novembre 2009, aurait fait environ 500 morts en un peu plus de 30 ans, selon l'Agence des produits de santé (Afssaps).
Ces données, qui proviennent d'une estimation de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), doivent être précisées et complétées mardi lors d'une conférence de presse de l'Agence. Elles portent sur toute la période de consommation du Mediator, commercialisé en France de 1975 à 2009.
"Il s'agit d'une estimation populationnelle, d'un calcul rétrospectif", a précisé lundi soir à l'AFP Fabienne Bartoli, adjointe au directeur général de l'Afssaps. Pour parvenir à ce chiffre, la Cnam a évalué l'impact du surrisque de valvulopathie (cardiopathie vasculaire) imputable au Mediator, en se fondant sur la consommation de Mediator en ville, les données d'hospitalisation et celles de décès.
Pour Mme Bartoli il s'agirait d'une hypothèse "moyenne".
Certains participants à la commission, qui n'ont pas été suivis, ont estimé cependant que l'estimation était "a minima" parce qu'elle ne prend en compte que "le risque pendant quelques années après le début de l'utilisation".
3.500 personnes ont en outre été hospitalisées, selon Mme Bartoli, qui a précisé que "80% des complications se produisent dans les deux années qui suivent l'arrêt du traitement".
Commercialisé en France par le laboratoire Servier de 1975 jusqu'en novembre 2009, date où il a été interdit, le Mediator (benfluorex) est proche dans sa composition d'un autre produit de Servier, un coupe-faim, l'Isoméride, retiré de la vente en France en 1997.
Une première étude de la Cnam, de novembre 2009, portant sur plus de 43.000 diabétiques ayant pris du Mediator, faisait apparaître qu'ils avaient trois fois plus de risques de souffrir de cardiopathies vasculaires et quatre fois plus de risques d'avoir une chirurgie valvulaire que ceux suivant un autre traitement.
L'Afssaps avait demandé alors une autre étude à la Cnam pour essayer d'apprécier le nombre de personnes qui auraient pu mourir du fait de ce médicament.
La commission de pharmacovigilance de l'Afssaps a tenu lundi après-midi une réunion extraordinaire sur cette deuxième étude, pour discuter de la méthodologie employée, des hypothèses retenues et des conclusions à en tirer. La discussion a été animée, selon plusieurs sources.
A l'issue de la réunion, il a été décidé de rappeler aux professionnels de santé les recommandations de suivi émises en 2009, lors de l'interdiction du produit, et de les renforcer encore en demandant aux gens qui en ont pris pendant plus de trois mois d'aller voir leur médecin traitant, selon Mme Bartoli.
Une possibilité qui ne vaut que pour ceux qui en ont pris depuis 2008, les bases de données nominatives des caisses primaires d'assurance maladie n'étant pas conservées au delà de 24 mois.
Le laboratoire Servier a été condamné plusieurs fois à verser des dommages et intérêts pour l'Isomeride, plusieurs dossiers sont en justice pour le Mediator.
Une thèse publiée en juin à l'université de Rennes, dont l'AFP a eu copie, relevait que 300.000 personnes ont été chaque année exposées au Mediator, ce qui correspondrait à "entre 150 et 250 hospitalisations chaque année" et à une trentaine de décès annuels. Soit, pour plus de 30 ans de commercialisation du médicament, une estimation d'"entre 500 et 1.000 morts".