logo

"Life", la biographie du guitariste des Rolling Stones, Keith Richards, a fait une entrée remarquée en librairie. Des phrases assassines sur Jagger à ses influences et approches musicales, l’auteur a pris le parti de (presque) tout dire...

"Richards descend Jagger…",‎ "Jagger ‘insupportable’ selon Richards"… Pour la parution de "Life", les Mémoires du guitariste des Stones, la titraille dégainée sur les rapports Jagger-Richards a fusé sur le Web. Mais l’effet est trompeur : les commentaires les plus acides du guitariste sur le chanteur datent de l’époque où Jagger aspirait à une carrière en solo - qui, hormis l’album "Wandering Spirit" et le titre "Sweet Thing", n’a fait vibrer ni les foules ni la critique. Depuis, les relations se sont apaisées entre les deux ego – bien que Richards concède ne plus avoir mis les pieds dans la loge de son "pote" depuis "une vingtaine d’années".

Les compos qui roulent

"Life" revient à plusieurs reprises sur la composition de chansons, notamment celles qui ont façonné la légende du groupe : "'Satisfaction' était une collaboration typique entre Mick et moi à l’époque… Je trouvais la chanson, l’idée de base, et Mick se tapait le dur labeur de remplir les vides pour rendre la chose intéressante. Souvent, je ne sais plus exactement lequel de nous deux a écrit ceci ou a fait cela. Mais les riffs [c'est-à-dire l'air], c’est moi... Le seul que j’ai loupé et que Mick a trouvé, c’est 'Brown Sugar'…"

Pourquoi cette brouille déjà ? "En 1983, on venait de signer avec CBS un contrat de 20 millions de dollars… À la faveur de cet accord, Mick avait conclu un deal personnel de plusieurs millions pour trois albums en solo – sans en dire un mot au groupe… J’étais complètement furax", explique Keith Richards dans son livre. Ajoutez à cela des petites amies (Marianne Faithfull, Anita Pallenberg…) empruntées à l’autre, une vie sur la route à se supporter et vous obtiendrez une relation logiquement tendue. "On avait quand même passé vingt-cinq ans ensemble avant que ça commence à foirer sérieusement…". Sur le livre, "Sa Majesté Jagger" n’a d’ailleurs pas dit grand-chose, comme en témoigne une interview de James Fox, plume de Richards, accordée aux "Inrockuptibles".

Drogue et police, "bad trip" habituel

Jagger-Richards, mais à part ça ? La "dope" et ses revers : les excès (forcément), les ennuis avec la justice et les compagnons de route morts d’overdose. Keith Richards a d’ailleurs longtemps figuré en tête du palmarès des rock stars appelées à passer rapidement de vie à trépas. Évoquant la tournée américaine du groupe en 1972 (l’une des pires en consommation de drogues), il se remémore : "Le docteur était avec nous : tu nous laisses prendre ce que l’on veut dans ta sacoche, tu peux t’amuser [avec une fille]"

La drogue est alors facile d’accès, mais les services de police jamais loin. L’intéressé en fait les frais à plusieurs reprises. "Un matin, on frappe à la porte. Je regarde par la fenêtre et je vois plein de nains dehors, tous vêtus pareil. C'était des policiers mais je ne le savais pas… Vous étiez censés venir ? Peu importe, entrez, il fait froid dehors."

Keith Richards, lors des répétitions du concert donné pour les 60 ans de Chuck Berry. Ensemble, ils interprètent le standard "Oh Carol". La tension est palpable entre les deux ego : le maître (Chuck Berry) sait qu’il peut encore prodiguer des conseils à l'élève. Ce qui ne fait pas particulièrement plaisir à ce dernier.

La route, le groupe et l’homme

Et puis il y a eu, entre autres, l’influence du blues, la montée en puissance du groupe, la disgrâce de Brian Jones (membre fondateur des Stones, décédé en 1969), les premières compositions (l’opus "Aftermath"), le virage rock du groupe (amorcé avec les disques "Let it Bleed" et "Beggar’s Banquet"), les femmes, les tournées gigantesques, les affaires ou même, bien involontairement, la politique - les Stones ont été impliqués dans un scandale qui mettait en cause la femme du Premier ministre canadien de l’époque, Pierre Trudeau. L’ouvrage livre même une anecdote surprenante au sujet d’une convalescence récente durant laquelle il reçut une lettre de Tony Blair lui rappelant qu’il était "l’un de [ses] modèles et héros…" Commentaire du "modèle" en question : "L’Angleterre gouvernée par un mec dont je suis le héros ? Effrayant…"

Au fil des pages, ses influences musicales (Muddy Waters et Chuck Berry, notamment) et ses nombreuses collaborations se déclinent - avec les Stones ou son groupe, les X-Pensive Winos. Côté jardin, "Life" dévoile un garçon plutôt timide, initié à la guitare par un grand-père membre de la première heure du Labour. On découvre aussi un homme marqué par le décès de son deuxième fils, à l’âge de deux mois. En somme, tout le parcours, en 662 pages, d’un gamin de Dartford (dont vient aussi Jagger) qui voulait seulement faire des Stones "le meilleur groupe de Londres".

INTERVIEW AVEC MICK JAGGER

L’une des rares interviews accordées par Mick Jagger en français. Nous sommes en 1987, Jagger démarre alors une tournée en solo et confie ses impressions au journaliste Guillaume Durand dans le cadre de l’émission "Bains de minuit". Attention aux lunettes de soleil…