
La dauphine de Lula, favorite dans les sondages, s'effondre dans ces mêmes sondages. Sapée par une campagne dénonçant ses positions en faveur de l'avortement, Dilma Rousseff n'a plus qu'une petite longueur d'avance sur son adversaire José Serra.
Dilma Rousseff accuse le coup. Censée être favorable à l’avortement et au mariage homosexuel, la candidate du Parti des Travailleurs (PT), qui caracolait en tête avec 25 points d'avance sur son plus proche adversaire à la veille du premier tour, dégringole aujourd’hui dans les sondages. À quinze jours du second tour de l’élection présidentielle brésilienne, Dilma Rousseff devance José Serra, candidat du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB) de seulement six points, à 47 % des intentions de vote.
Lors du premier tour – à l'issue duquel elle a obtenu 46,9 % des suffrages – ses positions lui avaient déjà coûté des voix au profit de la candidate écologiste Marina da Silva. La candidate du Parti vert, fervente évangéliste, s’est positionnée sans ambiguïté contre l’avortement, alors qu’une virulente campagne sur Internet et dans les églises rappelle la position de Dilma Rousseff – femme par ailleurs divorcée – en faveur de l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
Les milieux conservateurs et religieux ont notamment ressorti une interview datant de 2007, dans laquelle la candidate PT se déclarait favorable à l’avortement. "C’est une question de santé publique et non pas la question de savoir ce que je pense en mon for intérieur", avait-elle alors déclaré.
Au lendemain du premier tour, Dilma Rousseff avouait n’avoir pas suffisamment pris en compte "le réveil des forces conservatrices" et a reconnu que la question "des valeurs religieuses avait été son handicap le plus grave".
Aujourd’hui, la question de l’avortement s’est invitée au centre du débat politique. Dans ce pays très catholique, la question est loin d’être anodine. Les voix des nombreux chrétiens brésiliens sont devenues cruciales pour le second tour. Ils pourraient même faire basculer une élection que d’aucuns pensaient jouée d’avance. En 1989, Lula avait perdu la présidentielle face à Fernando Collor de Mello après qu’une rumeur l’a accusé d’avoir contraint l’une de ses ex-compagnes à avorter.
Un million d’avortements clandestins chaque année
La violente campagne anti-avortement ciblant Dilma Rousseff a redoublé de violence ces dernières semaines, forçant la candidate PT à réaffirmer sa position contre l’avortement. "Il est faux que le Parti des Travailleurs et Dilma défendent l’avortement", assure-t-elle notamment sur son site.
"Personnellement, je suis opposée à l’avortement et je suis en faveur du maintien de la loi actuelle", a-t-elle écrit dans une lettre adressée vendredi aux églises évangélistes. "Si je suis élue présidente de la République, je ne prendrai pas l'initiative de proposer des changements de la législation sur l'avortement ou sur d'autres thèmes concernant la famille" insiste-elle, faisant référence à un texte actuellement examiné au Sénat qui vise à pénaliser les crimes homophobes.
Parallèlement, son adversaire José Serra s’applique à lisser son image de bon chrétien. Dans un entretien au journal "La Folha de Sao Paulo" en juin dernier, il a même comparé la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse à "un carnage pour le pays". Il n’en faut pas moins pour s’attirer le soutien de l’électorat chrétien. Les évêques catholiques brésiliens ont ainsi recommandé aux fidèles de choisir le candidat "engagé en faveur du respect de la vie". C’est pourtant lui qui, lorsqu’il était ministre de la Santé entre 1998 et 2002, a introduit la pilule du lendemain.
Au Brésil, l’avortement n’est autorisé que dans deux cas : si la santé de la mère est menacée ou si la grossesse est le résultat d’un viol. En 2008, 3 050 avortements légaux ont été pratiqués au Brésil.
Pourtant, selon une étude effectuée par l’Université de Brasilia, une femme sur cinq - âgée de 18 à 40 ans - a déjà avorté. Selon des chiffres publiés par le ministère brésilien de la Santé, plus d’un million d’IVG clandestines sont pratiquées chaque année dans le pays. Un quart se solde par de graves complications et une hospitalisation. Tous les deux jours, une Brésilienne y laisse la vie.