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À Och, dès la tombée de la nuit, les forces spéciales patrouillent. En juin dernier, le pays était secoué par des affrontements interethniques d’une rare violence. La situation reste extrêmement tendue et les Ouzbeks se barricadent dans leurs quartiers de peur d’être à nouveau pris pour cibles. Nos reporters se sont rendus sur place.

Quatre mois après les sanglants affrontements de juin entre Kirghizes et Ouzbeks, la situation reste tendue à Och. Le couvre feu a été levé, mais les militaires et les policiers patrouillent toujours en ville. Ils redoutent une nouvelle flambée de violence. Car la colère ne s’est pas apaisée. Les Kirghizes tiennent les Ouzbeks responsables de la guerre : ils les accusent d’avoir voulu démanteler le pays en instaurant dans le sud une région autonome ouzbek. Du coup, ceux ci ne sortent plus de leur quartier et ne font plus confiance aux forces de l’ordre.

Tous les jours, des Ouzbeks sont victimes de violences policières. Tabassages, arrestations arbitraires et parfois meurtre. A Och, ils sont tout simplement devenus des citoyens de seconde classe.

Les autorités locales ne font rien pour leur venir en aide. Le maire de Och rejette en bloc les accusations portées par les ONG contre les exactions de ses policiers contre la communauté ouzbèke. Nommé par l’ancien président déchu Bakiev, Melis Myrzakmatov s’est fait le porte-parole d’un nationalisme kirghize dure. Fort du soutien des habitants du sud du pays, il a empêché le déploiement dans la région de policiers de l’OSCE, organisation jugée trop partiale à l’égard des ouzbeks. C’est un revers pour la présidente Otounbaieva pourtant à l’initiative de ce projet.

Aujourd’hui, le gouvernement de Bichkek n’a pas les moyens de faire front face au puissant maire de Och. Et c’est d’ailleurs tout le sud du pays qui échappe à son autorité. Les habitants kirghizes des régions de Och et de Jalalabad continuent de soutenir l’ancien président Bakiev, exilé en Biélorussie et sont contre la nouvelle Constitution votée le 27 juin dernier. Celle-ci autorise la mise en place d’un régime parlementaire pour le Kirghizstan. Une première en Asie Centrale, plutôt habituée à des régimes présidentiels forts, voire autocratiques.

À Och, les Ouzbeks attendent beaucoup de ce changement de régime et misent tous leurs espoirs dans un futur gouvernement qui saura rétablir l’ordre dans le sud du pays.