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Le Tribunal spécial pour le Liban pris pour cible par Damas

La Syrie a émis 33 mandats d’arrêt à l’encontre de personnalités qui auraient fourni de faux témoignages dans l'enquête sur l'assassinat de Rafic Hariri (photo). Une démarche qui a exacerbé les tensions liées à ce dossier au pays du Cèdre.

La Syrie a emboîté le pas de ses alliés libanais du Hezbollah et de l’opposition prosyrienne. La campagne menée depuis quelques mois par ces derniers contre le Tribunal spécial pour le Liban, créé par l’ONU et chargé de juger les commanditaires de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, a pris de l’ampleur après l’émission par la justice syrienne de mandats d'arrêt à l'encontre de 33 personnalités libanaises, arabes et étrangères pour "fabrication de faux témoignages".

Sur la liste figurent l’ancien chef de la commission d’enquête de l’ONU, Detlev Mehlis, le procureur général libanais Saïd Mirza, le chef des Forces de sécurité intérieures libanaises Achraf Rifi, un ancien ministre de la Justice du pays du Cèdre, un député, des journalistes et des proches collaborateurs de l’actuel chef du gouvernement Saad Hariri. Pour le député Marwan Hamadé, qui fait partie de la liste des 33, "ces mandats sont inopérants au Liban, ce n’est pas la première fois que je suis nommément visé, ils ont déjà essayé de me tuer avec une bombe", précise-t-il en référence à l’attentat dont il est sorti indemne en octobre 2004. Il avait, à l’époque, accusé le régime syrien de l’avoir commandité.

Valeur juridique floue

La valeur juridique de ces mandats d’arrêts lancés par le premier juge d'instruction de Damas à l’encontre de hautes figures libanaises et de cadres de l'ONU reste floue. Selon une source judiciaire proche du gouvernement libanais interrogée par France24.com, ces actes n’ont de valeur qu’auprès de la justice syrienne. Si le Liban ne réagit pas, la procédure judiciaire se poursuivra en Syrie où des jugements par défaut seront prononcés. La Syrie peut aussi transmettre le dossier à Interpol, précise cette source judiciaire, mais elle ne sera pas alors maître de la décision finale car l’institution internationale détient un pouvoir discrétionnaire quant à l’exécution des demandes des États.

"Une véritable déclaration de guerre"

À l’origine de la plainte déposée en Syrie, le général Jamil Sayyed qui, au moment de l’attentat contre Hariri et de la tutelle syrienne, était directeur de la Sûreté générale libanaise. Il affirme avoir été détenu arbitrairement au Liban de 2005 à 2009, dans le cadre de l’enquête, à la suite de dénonciations calomnieuses.

Ces mandats ont eu l’effet d’une bombe à Beyrouth, où la tension liée à l'enquête menée par le TSL est déjà vive entre la majorité parlementaire et l’opposition dominée par le Hezbollah. Le parti chiite accuse en effet le tribunal de vouloir lui nuire en mettant en cause certains de ses membres. Selon le secrétaire général du parti de Dieu, Hassan Nasrallah, l’enquête repose sur de faux témoignages et l’instance internationale est "à la solde d'Israël". Pour Marwan Hamadé, "il s’agit ni plus ni moins d’une diversion à quelques mois de la publication de l’acte d’accusation du tribunal qui est la véritable cible de cette campagne". Le quotidien francophone libanais L'Orient Le Jour a, de son côté, interprété la démarche syrienne comme étant "une véritable déclaration de guerre" dont le "timing ne peut avoir qu’une dimension politique".