
L’Irlande voit son déficit public exploser du fait de l’effondrement de son secteur bancaire. Une situation préoccupante pour le pays et la zone euro, mais qui est bien moins grave que la crise grecque, selon l’économiste Jérôme Sgard.
La crise bancaire irlandaise continue de secouer l’île et inquiète de plus en plus l’Union européenne. Contraint de procéder au sauvetage de ses banques, Dublin a annoncé jeudi que son déficit public atteindrait 32 % de son PIB en 2010 et que sa dette publique devrait elle avoisiner les 100 % du PIB.
Ce déficit historique, le plus élevé jamais enregistré par un pays de la zone euro, est en partie dû au sauvetage de la banque Anglo Irish. Celle-ci a été nationalisée en 2009 au plus fort de la crise financière, et le coût de l’opération a été relevé jeudi de 25 à 29,3 milliards d’euros.
En jouant la transparence, Dublin espère calmer les inquiétudes autour de la solvabilité à long terme du pays. L'Irlande a d’ailleurs refusé de faire appel au fonds de stabilité de la zone euro. Les marchés semblent avoir bien accueilli la nouvelle, mais des inquiétudes demeurent néanmoins à Dublin et à Francfort, siège de la banque centrale européenne.
L’analyse de Jérôme Sgard, docteur en Économie au CERI.
France24.com : Pourquoi le gouvernement irlandais s’est-il porté au secours de l’Irish Bank, creusant encore plus le déficit public ?
Jérôme Sgard : Si le gouvernement irlandais ne vient pas en aide à l’Irish Bank, la banque s’effondre, ce qui constitue le pire scénario en économie. Il suffit de repenser à ce qui s’est passé en Argentine en 2001-2002 [une crise économique majeure qui a contraint le gouvernement à se déclarer en cessation de paiement, NDLR]. Les banques avaient fait faillite, plus personne ne pouvait payer, les guichets ne distribuaient plus d’argent. Les gens étaient furieux car ils ont vu leur épargne disparaître.
France24.com : Pourquoi ne pas avoir fait appel au fonds de stabilisation de l’Europe, mis en place au printemps pour éviter tout risque de contagion de la crise grecque ?
Jérôme Sgard : Le fonds de stabilisation de l’Europe fait figure de dernière option. C’est vers lui qu’on se tourne quand on n’y arrive plus soi-même. Dans le cas du sauvetage de l’Irish Bank, le gouvernement irlandais peut encore emprunter sur les marchés. De plus, ni le fonds européen ni le FMI ne font de cadeaux, eux aussi il faut les rembourser. Les pays se tournent donc vers ces deux institutions, quand plus personne ne veut leur prêter d’argent et on devient alors un "paria". C’est ce qui est arrivé à la Grèce au début de l’année. Elle aurait été en défaut de paiement sans l’aide de l’Europe et du FMI. Plus personne ne voulait lui prêter d’argent.
France24.com : Cette crise bancaire irlandaise met-elle en péril la stabilité de l’UE ?
Jérôme Sgard : Non car cette crise est sous contrôle. Elle est bien moins grave que la crise grecque, de plus le mécanisme de sauvetage a déjà été testé. D’ailleurs, même si le fonds européen n’a pas été sollicité par Dublin, les dirigeants de la zone euro ont fait savoir qu’ils se tenaient prêts. Une manière de rassurer les marchés. En tout cas, tout cela est la preuve qu’il y a toujours des problèmes en Europe, même si, je le répète, cette crise est bien moindre que celle survenue au début de l’année en Grèce.