Les députés français entament ce mardi l'examen en première lecture du nouveau projet de loi sur l'immigration. Interrogé par France24.com, l’avocat Loïc Bourgeois dénonce un durcissement de la politique migratoire à des fins... politiques.
Inscrit au barreau de Nantes, Loïc Bourgeois est l’un des avocats de Lies Hebbadj . Il est spécialisé dans le droit des étrangers.
France24.com : Sur les 107 articles que compte le projet de loi relatif à l’immigration, lesquels sont, selon vous, les plus sujets à controverses ?
Loïc Bourgeois : Deux articles ont particulièrement retenu mon attention. Tout d'abord celui portant sur "l’interdiction de retour", qui inaugurerait une nouveauté dans le droit français. Jusqu’à présent, sauf exception rarissime liée à un trouble majeur à l’ordre public, seule une autorité judiciaire pouvait décréter une interdiction de territoire pour accompagner une sanction pénale. Cet article permet désormais d’assortir une interdiction de retour sur le territoire français à une mesure d’expulsion. Le simple fait de ne pas avoir quitté le territoire dans les délais impartis peut ainsi entraîner une interdiction de retour allant jusqu’à cinq ans, sans même être passé devant un juge.
L’autre réforme radicale est l’allongement de la durée de rétention administrative, qui passe de 32 à 45 jours. C’est grotesque, car si l’administration n’arrive pas à reconduire un étranger à la frontière après 32 jours, on voit mal comment elle y arrivera avec seulement 13 jours supplémentaires. Par ailleurs, le fait que le juge des libertés et de la détention [JLD] passe désormais "après" un juge administratif est tout simplement choquant. L’administration a voulu "se donner les coudées plus franches" pour agir plus longtemps sans le contrôle d’un juge judiciaire.
F24.com : Ces deux dispositions ne sont-elles pas tout simplement la transposition de directives européennes ?
LB : Elles vont en effet dans le sens des directives européennes, mais rien n’indique que l’on soit dans l’obligation de s’y conformer ! Les directives n’imposent pas à l’État de durcir son système. De manière générale, la France était l’un des pays à la législation la plus souple concernant les immigrés : elle est désormais en passe de devenir l’un des États les plus répressifs en la matière. Il n’y a qu’à regarder l’article sur la déchéance de la nationalité ! Comme tous les projets de lois qui constituent des réponses immédiates et émotionnelles à des faits divers, il ne répond en rien à une nécessité au niveau législatif. C’est tout à fait inutile et peut-être même anticonstitutionnel : il s'agit d'un gadget, mais un gadget violent.
F24.com : Ce projet est destiné à devenir la quatrième loi sur l’immigration en l'espace de sept ans... Pourquoi une telle obstination dans ce domaine ?
LB : Dans le fond, ces lois ne sont que des messages politiques. On s’intéresse davantage aux discours autour de ces lois qu’à leur réelle efficacité. Ceux qui les promeuvent n’ont pas pour ambition de régler un problème d’ordre public, ils souhaitent simplement susciter des commentaires et mettre en place des discours politiques. Finalement, peu importe la faisabilité car on n’est pas dans une logique d’efficacité.