
Une majorité de pays européens a refusé la proposition de Bruxelles visant à laisser aux États le choix de la culture de plantes génétiquement modifiées sur leur sol. Ce sont les ministres français et italien de l'Agriculture qui ont mené la fronde.
AFP - Les ministres européens de l'Agriculture ont recalé lundi à Bruxelles une proposition controversée de la Commission de laisser aux Etats la décision de permettre ou non la culture de plantes OGM sur leur territoire afin de sortir du blocage actuel.
La France et l'Italie ont mené la fronde, soutenues par la plupart des autres grands pays agricoles, notamment l'Allemagne et l'Espagne, préoccupés par un risque de "renationalisation" des politiques communes de l'Europe.
"Non, l'Italie ne soutient pas la proposition de la Commission (...) Le chacun pour soi mine les fondements de la Politique agricole commune", a affirmé le ministre italien de l'Agriculture, Giancarlo Galan, en marge d'une réunion avec ses homologues de l'UE.
Son homologue français Bruno Le Maire a fait preuve de la même fermeté.
"La France souhaite que la décision (sur cette question en Europe) reste commune. Aller vers des décisions nationales serait un mauvais signal adressé aux citoyens européens et un mauvais signal pour la Politique agricole commune", a-t-il déclaré.
Au cours du débat à huis clos, l'intervention du secrétaire d'Etat allemand à l'Agriculture, Robert Kloos, a été la plus radicale.
"L'Allemagne a dit deux fois +Nein+" aux questions sur la compatibilité de la proposition de Bruxelles avec le marché intérieur européen et l'Organisation mondiale du commerce , a déclaré un porte-parole.
La ministre belge de l'Agriculture, Sabine Laruelle, dont le pays préside l'UE, a résumé la situation plus diplomatiquement. "Une grande majorité de pays ont beaucoup de questions sur la pertinence de donner plus de compétences aux Etats" en matière d'OGM, a-t-elle expliqué.
Et "ce n'est pas dans un ou deux mois que nous trouverons un compromis et un consensus" sur la question, a-t-elle ajouté.
La décision finale reviendra aux ministres de l'Environnement. Ils se réuniront dans trois semaines, le 14 octobre, à Luxembourg. Leurs conclusions ne devraient pas apporter beaucoup de réconfort à la Commission, car ils sont encore plus réticents que leurs collègues de l'Agriculture.
Le commissaire à la Santé John Dalli, chargé du dossier, n'entend pas pour autant renoncer. "Le système actuel d'autorisation ne fonctionne pas", a-t-il rappelé.
A chaque fois, acune majorité ne parvient en effet à se dégager entre les Etats pour autoriser ou interdire la commercialisation ou la culture des OGM. "La Commission doit décider par défaut", ce qui aboutit le plus souvent à un blocage, a-t-il souligné.
Seuls deux OGM sont actuellement cultivés dans l'UE: le maïs 810 du groupe américain Monsanto, qui attend le renouvellement de son autorisation, et la pomme de terre Amflora développée par le groupe allemand BASF. Quinze autres OGM, pour la plupart des semences de maïs, nécessitent une autorisation de culture.
Le processus suit son cours, mais M. Dalli a opté pour une "gestion politique" et ne veut pas précipiter les choses, conscient de la mauvaise perception de sa démarche par l'opinion publique européenne.
Il justifie sa proposition par la multitude de conflits entre Bruxelles et les Etats. Six pays --France, Allemagne, Hongrie, Luxembourg, Grèce, Autriche-- ont en effet interdit la culture du MON 810 sur leur territoire par des clauses de sauvegarde contestées par la Commission.
Un septième pays, la Pologne, a interdit toutes les cultures d'OGM. Lui aussi est attaqué par la Commission.
Trois Etats --la Hongrie, l'Autriche et le Luxembourg-- ont pour leur part porté plainte contre l'autorisation de la pomme de terre Amflora, cultivée depuis mars dans trois pays --Allemagne, Suède et République tchèque-- pour l'industrie de la pâte à papier.