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Des millions d'Américains attendent de Barack Obama, orateur hors pair, un discours d'investiture qui restera dans les annales. Au même titre que ceux prononcés, en leur temps, par Franklin D. Roosevelt et John F. Kennedy.

Jusqu'à la dernière minute, les plumes de l’ex-sénateur de l’Illinois doivent travailler d’arrache-pied pour trouver la formule choc qui saura tirer les larmes des centaines de milliers d’Américains qui se sont rendus à Washington pour écouter le discours tant attendu.

Et si le futur chef de l’Etat américain vient à manquer d’inspiration, il peut toujours compter sur la magie d’Internet.

Le site Inaugural Address propose aux internautes d’écrire, d’éditer et d’échanger leurs propositions qui donneront naissance, au final, à un "discours d’investiture populaire". Un autre site propose des mots-croisés, d'où les participants peuvent extraire un panel de mots tirés des quatre discours d’investiture et les relier aux présidents qui les ont prononcés.

"Une forme de couronnement"

La cérémonie d’investiture du 44e – et premier Noir – président des Etats-Unis promet d’être l’une des plus fêtés de l’histoire américaine. Les célébrations du 20 janvier prochain prévoient des bals officiels et non-officiels, des déjeuners, des concerts et des soirées improvisées dans les rues de Washington. 

Mais à côté de ces festivités fastueuses, le discours d’investiture reste le véritable enjeu de cette journée.

Face à l’imposant bâtiment du Capitole, depuis son pupitre, Obama s’adressera à la nation et tentera d’émouvoir les millions d’Américains, présents à Washington DC ou scotchés devant leur téléviseur. L’exercice est un vrai challenge qu’aucun président n’a osé prendre à la légère.

"Pour les Américains, ces cérémonies ressemblent à une forme de couronnement, souligne Richard Norton Smith, une plume renommée du monde politique et historien à l’université George-Mason de Washington. Les discours d’investiture sont regardés de près pour un certain nombre de raisons. Son contenu politique est décortiqué, mais le style est également important."

Un héritage présidentiel de 220 ans

Depuis le premier discours de George Washington il y a 220 ans, tous les présidents américains se sont pliés à l’exercice. Quelques-uns des discours qui ont été prononcés sont restés dans les mémoires. Et d’autres pas.

Certains présidents sont passés à la postérité grâce, notamment,  à leur discours d’investiture. En 1933, confronté à la Grande Dépression, le président Franklin D. Roosevelt avait lancé à la foule : "La seule chose dont nous devons avoir peur c’est de la peur elle-même". En 1961, John F. Kennedy captiva la nation et le monde entier par ces quelques mots : "Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays".

"Les discours les plus mémorables ont été prononcés par les présidents les plus célèbres", indique Richard Norton Smith. Si on se souvient encore de Kennedy, c’est aussi grâce à son discours inaugural. Les propos de Roosevelt sur la peur sont toujours d’actualité aujourd’hui. Les discours d’investiture peuvent être un élément de la mémoire collective nationale."

La victoire de la rhétorique

Nul doute que, cette année, l’espoir constituera le thème majeur du discours d’investiture. Le premier président noir de l’histoire des Etats-Unis est un écrivain accompli et un auteur à succès. Ses capacités oratoires, qui lui ont permis de gravir tous les échelons menant à la Maison Blanche, sont reconnues de tous les experts

Lors de la convention nationale démocrate de 2004, Obama, encore inconnu du public, soulève les foules avec son discours sur "l’audace d’espérer". En 2005, il est élu sénateur de l’Illinois, avant de remporter quatre ans plus tard – seulement ! - l’élection présidentielle.

“ C’est un écrivain bien sûr, il a ce don, souligne Douglas Wilson, professeur de littérature à l’université Knox, dans l’Illinois. Obama a le don de rendre les choses transparentes et claires."

Pour ce professeur spécialiste des écrits d’Abraham Lincoln, et auteur de l’ouvrage "Lincoln's Sword", Obama ne manquera pas de rejeter un œil sur le discours d’investiture du 16e président des Etats-Unis, dont il est l’un des plus fervents admirateurs.

Il n’est pas rare que les plumes du président relisent les discours d’investiture de leurs prédécesseurs. Parfois à tort.

Wilson raconte d’ailleurs qu’Abraham Lincoln avait refusé de "prendre en compte les suggestions des personnes censées écrire son discours".

Bien lui en a pris. Son discours de Gettysburg en 1863 est considéré comme l’un des plus célèbres de l’histoire américaine.

Une plume précoce et surdouée

Mais les temps ont changé. Et les hommes politiques ne peuvent plus se lancer dans des textes sans qu’ils ne soient préalablement vérifiés. Ce qui n’empêche pas Obama de rester très impliqué dans la rédaction de ses discours.

Lors d’interviews données durant la campagne présidentielle de 2008, ses conseillers ont plusieurs fois confié que le candidat démocrate écrivait ses plus importants discours tard le soir, après sa journée de travail.

Des longues nuits de travail qui donnent lieu, selon le magazine Time, à des textes denses, immédiatement retravaillés par quelques conseillers, comme Jon Favreau, la plume surdouée d’Obama âgée de seulement… 28 ans.

Las, le comité de rédaction a reçu l’ordre de rester muet sur le contenu du discours que le 44e président des Etats-Unis entend prononcer ce 20 janvier.

Certains analystes se risquent toutefois à émettre des hypothèses. "Je pense qu’il l’écrit lui-même", croit savoir Richard Norton Smith.

La teneur du discours fait également l’objet de toutes les spéculations. "Après avoir entendu un discours inaugural, vous devez repartir en vous disant ‘j’ai davantage appris sur le personnage, que sur ce qu’il propose’, ajoute Richard Norton Smith. Le discours d’investiture doit être plus poétique, plus conceptuel."

Un conseil que les participants du site Inaugural Address semblent suivre. Un internaute du nom de "Nick" a débuté son texte par un hommage appuyé au discours de Lincoln à Gettysburg ("Il y a plus de 220 ans…"), avant de reprendre les thèmes de JFK sur le service public ("Dans ce pays, nous élisons nos dirigeants non pour gouverner, mais pour servir. Mais nous devons tous servir").

Au dernier décompte, plus de 370 plumes potentielles ont visité le site, apportant leur pierre à cette œuvre.