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L'opposition tente d'exploiter le mea culpa de Saad Hariri

En affirmant avoir commis une "erreur" en accusant la Syrie de l'assassinat de son père, le Premier ministre Saad Hariri pensait avoir la paix. Mais loin d'apaiser les tensions, son revirement est exploité par le camp pro-syrien.

En revenant sur ses accusations proférées contre la Syrie après l’assassinat en 2005 de son père Rafic Hariri, alors Premier ministre, le chef actuel du gouvernement libanais Saad Hariri pensait apaiser les tensions. Mais ses propos ont, au contraire, galvanisé le camp pro-syrien.
"Nous avons commis des erreurs et accusé la Syrie d'avoir assassiné le Premier ministre martyr. Il s'agissait d'une accusation politique, et c'en est fini de cette accusation", avait affirmé le leader de la communauté sunnite du Liban dans une interview publiée le 6 septembre par le journal saoudien A-Sharq Al-Awsat.
Une méprise, selon lui, provoquée notamment par de "faux témoins" entendus par les enquêteurs internationaux chargés de débusquer les assassins de son père, qui ont "détruit les relations entre la Syrie et le Liban". Ce revirement spectaculaire est venu couronner le réchauffement récent des relations entre Saad Hariri et le régime syrien. Depuis sa nomination à la tête d’un gouvernement d’union nationale en 2009, le Premier ministre libanais s’est entretenu à plusieurs reprises en tête-à-tête avec le président syrien Bachar al-Assad.
L’opposition hausse le ton
Si Damas a pris acte des déclarations de Saad Hariri, de son côté, le camp pro-syrien au

Liban tente d’exploiter politiquement le mea culpa du Premier ministre, en lui demandant de rendre des comptes. L’attaque la plus virulente émane de l’ex-directeur de la Sûreté générale, Jamil Sayyed en poste jusqu’en 2005. "Le tribunal international doit cesser toute activité en raison de l’affaire des faux témoins (…).Tu as vendu le sang de ton père (…). Tu savais d’avance, avec ton entourage, que vous étiez en train de fausser les pistes dès le départ", a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse. L’ex-général, figure du camp pro-syrien, avait été détenu au Liban pendant quatre ans dans le cadre de l’enquête internationale, avant d’être libéré en avril 2009 en l’absence de preuves suffisantes. "Tu dois dire, j’ai commis une erreur, mon père est mort, le tribunal est terminé, il faut clore le dossier ", a-t-il conclu.

L’opposition au Parlement n’est pas en reste. Le député du Hezbollah Mohammad Raad a demandé la remise en cause de 73 projets de loi soumis par "un gouvernement illégitime", dirigé par Fouad Siniora entre 2005 et 2009. "Tout ce qui a été bâti sur les suites de l’attentat doit être remis en question. (…) Et parmi ces projets, figure la question du tribunal (chargé de juger les assassins de Rafic Hariri)", a-t-il déclaré mercredi. De son côté, la majorité a dénoncé hier le "putsch permanent" du parti de Nasrallah, l’accusant de mener "un coup d'État contre tous les principes sur lesquels les Libanais se sont mis d'accord, dont le tribunal international".
Jamil Sayyed et le Hezbollah accusent des proches de la famille Hariri d'avoir "fabriqué" des preuves à partir de faux témoignages. Le Hezbollah a réclamé à plusieurs reprises que ces personnes soient traduites en justice. Une procédure est en cours pour tenter d’élucider ce dossier.
Le TSL en ligne de mire
Cette offensive du camp pro-syrien confirme que le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) est bien l’épicentre des tensions à Beyrouth. L’opposition mise plus que jamais sur l’affaire des faux témoins et l’acte de contrition de Saad Hariri pour parachever la décrédibilisation du Tribunal, qu’ils accusent d’être partisan. La publication de l’acte d’accusation de l’instance créée en 2007 doit intervenir avant la fin de l’année. Les deux premiers rapports de la commission d'enquête de l'ONU avaient conclu à des "preuves convergentes" mettant en cause les services de renseignements syriens et libanais.
En juillet dernier, le Secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait annoncé s'attendre à ce que le TSL accuse des membres de son parti d'être impliqués dans l’affaire Hariri. Le leader chiite avait alors mené une campagne médiatique pour dénoncer "un complot" fomenté par les États-Unis et Israël, destiné selon lui à porter atteinte à "la Résistance" et à semer la discorde entre sunnites et chiites. Il avait pressé le procureur du TSL, Daniel Bellemare, de se pencher sur une piste israélienne, dévoilant en direct à la télévision des documents prouvant, selon lui, l’implication de l’État hébreu dans l’assassinat de Rafic Hariri.