Rivalité croissante entre les deux finalistes, violences entre militants, décès de l'ex-président de la Céni... La tenue, dimanche prochain, du second tour de la présidentielle guinéenne semble de plus en plus compromise.
Le compte à rebours des jours séparant la Guinée du 19 septembre, date à laquelle doit se dérouler le second tour de la première élection présidentielle libre et démocratique organisée dans le pays, figure toujours sur l’écran de la Radio télévision guinéenne (RTG). Mais depuis les violentes échauffourées du week-end dernier qui ont opposé des partisans des deux finalistes, les rumeurs d’un report du scrutin s’amplifient chaque jour davantage. Le 27 juin, Cellou Dalein Diallo, le patron de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), était arrivé en tête du premier tour avec 43,62 % des suffrages, devant Alpha Condé, le leader du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), qui avait recueilli 18,25 % des voix.
Après avoir suspendu la campagne électorale et interdit toutes les manifestations dimanche, le Premier ministre de la transition, Jean-Marie Doré, a ouvertement laissé entendre, lundi, qu’un report du vote n’était plus à exclure. "Nous sommes censés tenir une élection le 19 [septembre, NDLR] mais les conditions doivent être réunies. Et la plus importante, c'est la sécurité", a-t-il lancé après avoir reçu séparément les deux rivaux. Et le chef du gouvernement de transition d'ajouter : "La priorité doit aller à l'ordre public, étant donné qu'une élection n'est pas possible si le chaos règne."
Rivalité exacerbée
Alors que les réunions entre le gouvernement et la Commission électorale nationale indépendante (Céni) s’enchaînent, sur le terrain, les observateurs de la vie politique guinéenne se veulent encore plus catégoriques. "La date [du second tour] me semble de plus en plus compromise. Je ne crois pas que nous ayons toute la sérénité requise pour aller aux urnes", affirme ainsi Aziz Diop, secrétaire exécutif du Conseil national de la société civile guinéenne (CNOSCG), dans une allusion à la rivalité qui s’exacerbe entre les deux candidats depuis la condamnation à un an de prison ferme, jeudi dernier, de Ben Sékou Sylla, l'ancien président de la Céni.
Décédé ce mardi d’une longue maladie à Paris, celui-ci était accusé par le RPG d'Alpha Condé d’avoir subtilisé des procès verbaux lors du premier tour de l’élection présidentielle. Malgré son remplacement, le 6 août dernier, par une présidente intérimaire, Hadja Aminata Mame Camara, Alpha Condé continue de crier au déni de justice, estimant cette dernière trop proche de son adversaire. De son côté, Cellou Dalein Diallo soupçonne son rival d’avoir "passé un deal" avec le Premier ministre et de tout mettre en œuvre pour faire imploser la Céni, chargée de l’organisation du scrutin, afin d’en retarder la tenue...
Contraintes techniques
"Les clivages se durcissent, confirme un autre observateur attentif du landerneau politique guinéen. Certes, le calme est revenu depuis dimanche, mais la situation reste tendue. Personne ne peut prendre une décision ou faire une déclaration sans qu’elle soit interprétée. Avoir un avis sur telle ou telle question, c’est rouler pour le RPG ou l’UFDG. Certains sont devenus complètement paranoïaques."
En outre, tous s'accordent à dire que l’organisation du vote est soumis à plusieurs contraintes techniques qui, d’ici dimanche, ne pourront être levées. "La Céni n’est pas prête, explique ainsi l’un d’eux. Par exemple, les nouveaux bureaux de vote mis en place à l’issue du premier tour ne sont toujours pas configurés et les cartes d’électeurs alphanumériques sécurisées destinées à remplacer les récépissés dont les détenteurs se sont vus rejeter leur vote au premier tour n’ont toujours pas été éditées à Conakry…"
Signé le 3 septembre à Ouagadougou entre Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé sous l’égide du médiateur burkinabè, le président Blaise Compaoré, le Protocole d’entente pour une élection apaisée n’a jamais semblé aussi loin en Guinée.