Cette année encore en Turquie, les rebelles kurdes du PKK ont proposé un cessez-le feu aux autorités militaires à l’occasion du mois de jeûne du ramadan. Une annonce qui risque de ne pas suffire pour apaiser les tensions. Ces derniers mois, les combats entre le PKK et l'armée turque se sont intensifiés.
Invités:
- Assia SHIHAB, correspondante de France 24, par téléphone d'Ankara (Turquie)
- Hamit BOZARSLAN, Directeur d’études, École des Hautes Etudes en Sciences Sociales
Émission préparée par Kate Williams, Marie Billon et Patrick Lovett
Dörtyol pourrait passer pour une petite ville sans histoire, si ce n'était l'omniprésence de la police anti-émeute depuis les incidents récents. Le 26 juillet, quatre policiers turcs ont été tués dans la région. L'attaque, attribuée au PKK, a provoqué la colère de la population. Le soir même, des centaines d'habitants ont pris pour cible la communauté kurde de la ville, saccageant une vingtaine de commerces et tentant de mettre le feu aux locaux d'un parti pro-kurde. Ces violences ont laissé les Kurdes de Dörtyol sous le choc. Les vitres du café que gère Mahmut ont été brisées, comme celles de tous les commerces tenus par les citoyens d'origine kurde. “On est des commerçants, on paie des impôts, on n’est pas des terroristes, s'indigne Mahmut. Quand des Kurdes sont tués, comme c'est déjà arrivé ici, est-ce qu'on a détruit un seul magasin turc? C'est comme si dans ce pays, il n'y avait pas de place pour les Kurdes”.
Depuis la mort des policiers, des drapeaux turcs ont recouvert tout le centre-ville. Ne pas les accrocher pourrait être un interprété comme un signe de sympathie pour les séparatistes. Pour autant, le maire de la ville veut minimiser les tensions entre Turcs et Kurdes. “Il n'y a pas de raison pour qu'on ne puisse pas vivre ensemble. Le PKK existe depuis les années 1980 et depuis ils ont tué beaucoup des nôtres, mais jamais ca n'a remis en cause notre amitié pour les kurdes”, explique Fadin Keskin. Malgré ce discours rassurant, le malaise est bien présent à Dörtyol et le racisme anti-kurde, latent. Beaucoup d'habitants reprochent aux Kurdes arrivés en ville il y a 30 ans de s'être enrichis aux dépens des Turcs.
Les Kurdes ont dû quitter le sud-est de la Turquie au début des années 1990, au plus fort de la guerre entre les militaires et le PKK qui réclame l'autonomie. Ils se sont installés en bordure de Dörtyol. Hadil Baybaris, le responsable local du BDP, Parti de la Paix et de la Démocratie, ne fait pas de mystère sur les orientations politiques des Kurdes de Dörtyol. “Peu importe si c'est juste ou non, mais il y a de la sympathie envers le PKK, parce que les droits des Kurdes sont ignorés depuis la création de la république turque.”
La guerre menée par le PKK met aujourd'hui en péril la coexistence pacifique dans les villes. A Dörtyol, la communauté kurde est prise au piège entre la nécessite de vivre au quotidien avec la population turque et ses rêves d’autonomie.