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Sur la chaîne de télévision américaine CNN, le chanteur-producteur natif d'Haïti a annoncé officiellement sa candidature à la prochaine élection présidentielle haïtienne, prévue le 28 novembre prochain.

"Si j'étais président, je serais élu le vendredi, assassiné le samedi et enterré le dimanche", clamait Wyclef Jean en 2004 dans sa chanson "If I were president" ["Si j’étais président", voir vidéo ci-dessous]. Six ans plus tard, sa prophétie ne semble plus lui faire peur : l’ex-membre du combo hip-hop "The Fugees" a officialisé, jeudi sur CNN sa candidature à la présidentielle du 28 novembre prochain, indiquant qu'il voulait être "la voix de la jeunesse" dans un pays qui "souffre depuis 200 ans".

Face à Larry King, l’intervieweur-vedette de la chaîne d'information américaine, Wyclef Jean a souligné que ses ambitions avaient été précipitées par le séisme du 12 janvier qui a fait entre 250 000 et 300 000 mort dans son pays. "J'ai toujours eu en tête l'idée de servir mon pays", a-t-il dit. Mais depuis la catastrophe, "je sens que je suis réclamé par la population, pour lui offrir un nouveau visage, une nouvelle voix".

La veille de cette annonce officielle - largement attendue - , il avait déjà fait savoir dans une interview au magazine "Time" qu'il n’aurait pas brigué la présidence s'il n'y avait pas eu le tremblement de terre. "J'aurais probablement attendu encore dix ans. Le séisme m'a fait prendre conscience qu'Haïti ne peut pas attendre encore dix ans avant qu'on l'aide à faire son entrée dans le XXIe siècle", a-t-il déclaré.

Natif de Croix-des-Bouquets, près de Port-au-Prince, le rappeur a émigré aux Etats-Unis à l’âge de 9 ans pour s’installer avec sa famille dans un quartier pauvre de New York. Après avoir connu le succès dans la musique [l’album des Fugees "The score", sorti en 1996, est l’album le plus vendu de l’histoire du hip-hop avec 15 millions d’exemplaires écoulés], il s’est beaucoup investi dans son pays natal, en lançant notamment la fondation "Yele Haïti" (Aidez Haïti), en 2005. Après le séisme, le chanteur a utilisé sa notoriété pour lever près de 10 millions de dollars pour pour particper à la reconstruction du pays.

Capacité à mobiliser

Malgré cette bienveillance à l’égard de son pays d’origine, la partie est loin d’être gagnée pour Wyclef Jean. En termes d’image, l’ex-chanteur des Fugees doit déjà composer avec les soupçons de malversations qui pèsent sur "Yele Haïti", dont il vient ce jour d'abandonner les fonctions de leader. Surtout, ses faibles connaissances en français et en créole ainsi que son manque d'expérience en politique pourraient lui jouer des tours.

Alors, a-t-il sa chance le 28 novembre prochain ? "Beaucoup d'Haïtiens ne le perçoivent que comme une chanteur et ne pensent pas qu’il a les capacités pour gouverner un pays", souligne Carel Pedre, animateur radio à Port-au-Prince, "mais ses partisans comptent beaucoup sur sa capacité à mobiliser les jeunes et à attirer l’attention du reste du monde sur Haïti. Et puis, il n’y a que deux candidats qui peuvent susciter l’enthousiasme dans les couches populaires : Wyclef et le centriste Michel Marthely [lui aussi artiste]".

En plus de ce rival direct, le chanteur devra faire face à une vingtaine de candidats déjà déclarés ou pressentis pour le faire avant le 7 août (date limite d’enregistrement des candidatures), parmi lesquels figure son propre oncle. Il devra aussi espérer que l’actuel président René Préval – que Wyclef Jean avait soutenu lors de sa dernière campagne –, respecte la constitution en renonçant à un nouveau mandat. Or, plusieurs partis l’accusent actuellement de rechigner à le faire.

Enfin, administrativement, il doit obtenir une dérogation à la loi électorale qui exige que tout candidat à la présidentielle ait passé les cinq dernières années sur le sol haïtien.