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Abdellatif Kechiche triomphe aux César

La chronique familiale d’Abdellatif Kechiche "La Graine et le Mulet" remporte quatre César dont celui du meilleur film. Le César de la meilleure actrice est revenu à Marion Cotillard pour son rôle dans '"La Môme" d’Olivier Dahan.

Trois ans après "L’Esquive",  Abdellatif Kechiche est une fois de plus le réalisateur d’un film aux quatre César ; meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur espoir féminin et meilleur scénario original ; "La Graine et le mulet" fait l’unanimité.

L’enfant gâté du cinéma français a confié à FRANCE 24 : "Je raconte l’histoire de personnes qui viennent d’un même milieu mais tout le monde peut se reconnaître. J’ai voulu être le plus sincère possible en travaillant avec des gens qui n’étaient pas des acteurs". Abdellatif Kechiche envisage déjà la suite : "Avec une telle distinction, j’espère avoir des facilités de financement pour le futur".

La jeune héroïne de son film, Hafsia Herzi, a hérité du meilleur espoir féminin après avoir reçu le prix d’interprétation à Venise. La comédienne française d'origine algéro-tunisienne de 21 ans raconte la méthode de travail du réalisateur. "Il a beaucoup d’imagination, il peut changer une scène à la dernière minute mais d’une manière générale il n’y a pas de place pour l’improvisation. Tout est écrit, paramétré et répété".

"La Môme" voit la vie en rose

Les 3 500 membres du jury des César - réalisateurs, acteurs, techniciens et critiques – ont aussi récompensé "La Môme". Le film d’Oliver Dahan a reçu cinq César : meilleure actrice, meilleure photo, meilleurs décors, meilleurs costumes mais aussi meilleur son.

Lors de la cérémonie l’actrice, Marion Cotillard, le visage baigné de larmes et la voix tremblante, remercie son réalisateur : "Tu as écrit le plus beau rôle du monde et tu m'as demandé d'être toute une vie".

Laurent Zeilig récompensé pour le meilleur son, revient sur la difficulté de produire un film retraçant la vie d’Edith Piaf. "Au-delà du travail de restauration, la quantité de travail était exceptionnelle. Nous avons dû jongler avec trois voix pour le même personnage, celle de Piaf, celle de l’imitatrice de Piaf et celle de Marion Cotillard. L’importance du son au cinéma est colossale surtout quand on travaille avec des sources sonores anciennes et contemporaines".

"Persepolis", doublement récompensé aux César

Condamné par le gouvernement du président Mahmoud Ahmadinejad comme "islamophobe" et "anti-iranien", "Persepolis" est récompensé aux César après avoir reçu le Prix du Jury au festival de Cannes.

Le film, qui relate la révolution islamique de 1979 en Iran, transpose à l'écran la BD autobiographique de Marjane Satrapi. "Persepolis" reçoit deux César : meilleur premier film et meilleure adaptation. Il est en lice pour l'Oscar du meilleur film d'animation.


Devant la presse, après la remise de son prix, Marjane Satrapi confie se méfier du "terme politique". "Je n’ai voulu faire aucune propagande, seulement un film humaniste. C’est l’aspect des droits de l’homme que j’ai mis en avant. Je voulais faire un film universel et le processus d’identification me paraissait plus facile avec un dessin".

Elle explique avoir rencontré des difficultés lors de l’adaptation de son histoire pour le cinéma, initialement publiée en quatre tomes. "Nous avons dû repenser et réécrire tout le scénario dès le début". Trois ans ont été nécessaires pour achever le film.

"Le Scaphandre et le papillon"

Mathieu Amalric a reçu le César du meilleur acteur pour son interprétation "Le Scaphandre et le papillon", narrant l’expérience d’un journaliste français à la suite d’un accident vasculaire, qui ne peut plus communiquer avec le monde qu’en clignant des yeux. Cet interprète confirmé était absent de la scène du théâtre du Châtelet : il tourne actuellement au Panama sur le plateau du nouveau James Bond. Le film franco-américain de Julian Schnabel a par ailleurs obtenu le César du meilleur montage.

Quant au César du meilleur film étranger, il a été attribué au film allemand "La Vie des autres" qui se déroule au temps de la RDA. Emu et heureux, le réalisateur Florian Henckel Von Donnersmarck explique que son film "parle de ce que ça fait à l’âme quand la sphère privée est violée". Il ajoute : le film "parle de l’invasion de tout ce qui est intime, de l’autorité absolue, et je crois que nous tous connaissons cela dans nos vies".

Revenant sur la genèse du film, il raconte : "L’idée m’est venue à partir d’une citation de Lénine, qui avait un morceau de musique préférée, la Passionata de Beethoven. Il disait : ’Quand je l’écoute, je veux caresser la tête des gens et je dois casser la tête des gens pour finir ma révolution. Je ne veux plus l’écouter’. Je me suis dit : ’Peut-être que je peux construire une situation de cinéma où on pourrait forcer Lénine à écouter la Passionata. Et puis Lénine s’est transformé en agent de la Stasi… "

La remise d’un César d’honneur à Jeanne Moreau a aussi constitué un moment fort de la cérémonie. L’actrice a reçu un "Super César d’honneur" pour ses 60 ans de carrière. Elle a profité de la tribune pour exprimer son inquiétude à l’égard  "de mesures gouvernementales qui risquent d’affaiblir"le cinéma français.

Jeanne Moreau s'est inquiétée de "subventions qui diminuent de plus en plus pour des festivals, pour des cinémas indépendants, des cinémas de proximité dont certains sont attaqués par des groupes puissants comme provoquant une concurrence déloyale".

L’actrice qui vient de fêter ses 80 ans a donné son César à une jeune réalisatrice, Céline Sciamma, auteur de "Naissance des pieuvres", qui avait été nommée pour le César du premier film mais était repartie bredouille.