Après une semaine d'affrontements meurtriers entre les forces de l'ordre et les gangs de Kingston, la vie revient progressivement à la normale dans la capitale jamaïcaine. Le baron de la drogue Christopher "Dudus" Coke demeure toutefois introuvable.
AFP - Les commerces rouvraient timidement jeudi à Kingston après la guerre déclenchée par le gouvernement contre les gangs de la capitale jamaïcaine, qui ont fait 76 morts selon un nouveau bilan communiqué par la police.
Signe de retour à la normale, l'ambassade des Etats-Unis, pays qui réclame l'extradition d'un parrain présumé de la drogue à l'origine des violences, a également rouvert ses portes pour la première fois depuis qu'a été imposé l'état d'urgence dimanche.
Mais le bilan des violences s'est brutalement alourdi, la police parlant désormais de 73 morts du côté de la population.
"Nous avons récupéré 73 corps", a déclaré le commissaire adjoint de la police, Glenroy Hinds, au cours d'une conférence de presse. "Il y a des civils, mais il s'agit parfois de tireurs", a-t-il ajouté. Trois membres des forces de l'ordre ont également perdu la vie.
Le bilan précédent faisait état de 44 morts dans les affrontements qui ont opposé les forces de l'ordre aux gangs tentant d'empêcher l'arrestation du "parrain" présumé, Christopher "Dudus" Coke, dans son fief de Tivoli Gardens, un quartier pauvre de l'ouest de la capitale.
"Dudus" est considéré comme une sorte de Robin des Bois local par les défavorisés du quartier qui ont élevé des barricades à l'annonce du mandat d'arrêt délivré par les autorités. Il est en revanche pour Washington le chef du plus grand réseau de trafic de drogue de Jamaïque, avec des ramifications qui s'étendent jusqu'aux Etats-Unis.
Jeudi, les écoles restaient fermées dans toute la ville et de la fumée continuait à s'élever de bâtiments incendiés au cours des violences. Les forces de l'ordre continuaient à perquisitionner dans les immeubles un par un à la recherche de gangsters.
Les autorités ont accompagné jeudi un groupe de journalistes dans Tivoli Gardens, un quartier considéré comme dangereux, même en temps normal. Mais sans pouvoir cacher la colère des habitants qui se sont mis à crier "nous voulons la justice" au passage des militaires.
Une femme qui dit être restée enfermée chez elle pendant deux jours, poussait à l'aide d'un râteau le cadavre en décomposition d'un chat qu'elle a trouvé devant sa porte, vraisemblablement victimes des coups de feu qui ont arrosé le quartier.
"Il nous faut de l'argent et de quoi manger", lançait Marlene, une femme d'âge moyen. "Coke, lui, il s'occupe des gens. C'est pas comme les soldats. Tous ce qu'ils savent faire, c'est tirer".
Mais "Dudus" reste introuvable. Le ministre de l'Information Daryl Vaz a reconnu que les autorités ne savaient pas où il se trouvait et n'a pas voulu dire s'il avait pu ou non quitter le pays.
A l'inverse des habitants des bidonvilles, les classes plus favorisées et les médias se félicitaient de la perspective de voir enfin couper le cordon entre pègre et politique.
Les Etats-Unis soutiennent la répression engagée contre les gangs par le Premier ministre Bruce Golding, après des années de laxisme à l'endroit des narcotrafiquants qui ont largement financé les partis politiques. M. Golding est lui-même élu de la circonscription de Tivoli Gardens et l'opposition le considère comme un ancien "client" de "Dudus".
A Washington, le porte-parole du département d'Etat, Philip Crowley, a salué les "mesures courageuses" adoptées par le gouvernement jamaïcain. "Nous soutenons absolument les efforts du gouvernement jamaïcain pour faire respecter l'Etat de droit et arrêter Christopher Coke", a-t-il déclaré.