, envoyée spéciale à Cannes – Quatre ans après "Indigènes", Rachid Bouchareb revient en compétition officielle avec un film sur la guerre d'Algérie et le FLN. Depuis quelques semaines, le film suscitait le débat. La polémique n’a pas désenflé ce vendredi, jour de projection.
Quatre ans après "Indigènes", qui avait offert aux cinq acteurs principaux du film un prix collectif d’interprétation masculine à Cannes, et ouvert le débat sur le sort réservé aux soldats originaires des colonies qui se sont battus pour la France durant la Première Guerre Mondiale, le réalisateur Rachid Bouchareb revient sur la Croisette avec les mêmes acteurs. Et de nouveau : une saga familiale, un film historique, un triller politique…et une polémique.
Chassés de leur village natale au début du XXe siècle, trois frères algériens prennent des chemins différents. Messaoud (Roschdy Zem), l’aîné, s’engage dans la guerre d’Indochine. Abdelkader (Sami Bouajila), le cadet, après avoir participé aux troubles qui ont abouti au massacre de Sétif le 8 mai 1945, se retrouve derrière les barreaux à la prison de la Santé à Paris. Saïd (Jamel Debbouze), le benjamin, s’installe avec sa mère dans le bidonville de Nanterre et fait fortune dans les bouges et les clubs de boxe de Pigalle. Ce dernier est préoccupé par le fait d’asseoir sa situation matérielle à Paris, alors que ses frères épousent le militantisme et dirigent le FLN.
"Le film est destiné à ouvrir un débat dans la sérénité, pas dans un champ de bataille", se défend le cinéaste français d’origine algérienne, face aux vagues de débats et de protestations que soulève son film. Alors que l’on applaudissait le film à la première projection de presse ce matin même, 1 200 manifestants, selon la police – parmi lesquels : plusieurs élus de l’UMP, des anciens combattants, des représentants d’associations de harkis ou de pied-noirs et quelques partisans du Front National – se sont retrouvés devant le monument au morts, sur le parvis de l’Hôtel de ville cannois accusant le film de "falsifier l’histoire". Les manifestants ont traversé la ville en chantant la Marseillaise et le Chant des Africains et en scandant "FLN assassin".
it"C’est un film qui n’est pas honnête, qui est mensonger. Bouchareb compare les soldats français qui ont repoussé la manifestation de Sétif à des SS. Ils montrent des pieds-noirs qui tiraient de chez eux sur des gens qui manifestaient dans la rue pacifiquement alors, qu’en réalité, on leur avait donné des armes juste pour se défendre", explique à France24.com l’un des manifestants, Hervé Cuesta, président du Collectif Vérité Histoire-Cannes 2010 qui s’est créé pour l’occasion.
N’hésitant pas à rappeler que "Hors-la-loi" est "un simple film de cinéma", Rachib Bouchareb défend son choix de montrer le massacre de Sétif d’un point de vue algérien. "Chacun a sa petite histoire, ses blessures dans la grande histoire. Alors effectivement, on filme dans " Hors la loi" du côté de personnages algériens. C'est mon choix, mais c'est universel. On a tous une mère, on a tous une famille, on a tous vécu l'injustice, elle n'est pas qu'algérienne, elle n'est pas que française, elle est valable pour tout le monde", déclare celui qui a le soutien de la Ligue des Droits de l’Homme.
Derrière la polémique, le film. Malgré les récompenses récoltées il y a quatre ans, les acteurs d’"Indigènes" n’avaient pas séduit le grand public. Dans "Hors la loi", Debbouze le comique est oublié, le jeune réalisateur Roschdy Zem convainc comme il ne l’a jamais fait en tant qu’acteur et Sami Bouajila nous ferait presque oublier son flop du "Dernier Gang". Tellement investis dans leur jeu que les incesssants tirs de gâchette passeraient presque inaperçus. Car, oui, martèle Rachid Bouchareb, il s’agit d’abord d’un western : " c’est que du ci-né-ma !"...