
À la suite de l'offensive israélienne sur la bande de Gaza, FRANCE 24 se mobilise. Posez vos questions à nos journalistes envoyés sur le terrain, en Israël et dans les territoires palestiniens.
Question de Gérard : De quelles sources proviennent les images de Gaza (les journalistes y sont interdits) ainsi que les chiffres annoncés de victimes se situant autour de 570 sans même distinguer les civils palestiniens des terroristes du Hamas,et peut-on considerer ces sources comme fiables ?
Réponse de Radjaa Abou Dagga, notre correspondant à Gaza :
Radjaa Abou Dagga répond depuis Gaza (9/01/2009)___________________________________________________________________________________
Question de Michel J. Hanser-Schaffhauser von Hettenschlag : N'y a-t-il pas aujourd’hui un mouvement contestataire israélien (du moins à Jérusalem) qui commence à sourdre ?
Réponse de Marc de Chalvron à Jérusalem (7/01/2009) : Oui, il y a quelques voix qui se font entendre.
Il y a notamment eu une manifestation à Tel Aviv, samedi dernier, qui a réuni plusieurs milliers de personnes. On n'attendait pas autant de monde. Il y a également des éditorialistes qui commencent à faire part de leur doute. C'est le cas surtout depuis le déclenchement de l'opération terrestre.
L'essentiel des interrogations tournent autour de deux questions : les risques importants en pertes humaines des deux côtés ainsi que le risque d'être aspiré de plus en plus profondément dans Gaza et d'être contraint de réoccuper Gaza.
Ceci dit, il ne faut exagérer l'ampleur de ce courant pacifiste. On y trouve des personnalités connues pour leur penchant à gauche, voire très à gauche, de l'échiquier politique israélien et qui sont pas nécessairement représentatives de l'opinion israélienne. On y trouve également la minorité palestinienne d'Israël, "les Arabes israéliens", qui sont naturellement touchés par ce qui se passe à Gaza.
Pour le reste, la grande majorité de la population soutient le gouvernement et l'opération militaire. "L'Israélien moyen" pense que ce qui arrive en ce moment est totalement justifié, que le Hamas est responsable de l'escalade. Je ne compte plus le nombre d'Israéliens qui me font part de leur fierté devant la manière dont l'armée israélienne opère à Gaza. Il y a incontestablement un sentiment de revanche après la guerre difficile de 2006, au Liban. L'armée redore son blason. Il est intéressant de noter que la bavure de l'armée contre l'école de l'UNRWA à Gaza n'a pas changé cette réalité. Du moins, pas encore...
_______________________________________________________________________________________________
Question de Lazbill, à Abidjan, en Côte d'Ivoire : Quel est l'objectif d'Israël, qui refuse tout cessez-le-feu ?
Réponse de Marc de Chalvron, à Jérusalem : En fait, Israël refuse un cessez-le feu qui n'intégrerait pas ses objectifs. La proposition franco-égyptienne pourrait permettre d'y accéder, même si on en est encore loin. L'objectif est répété sans cesse et à longueur de temps par les responsables : changer radicalement la situation dans le Sud du pays et y restaurer durablement la sécurité.
Concrètement cela veut dire trois choses :
- Affaiblir autant que possible le Hamas, réduire au maximum sa capacité militaire en s'attaquant à sa chaîne de commandement et en détruisant son arsenal, essentiellement ses roquettes.
- Faire peur au Hamas par la violence de l'opération. "Faire comprendre au mouvement islamiste que ce n'est pas dans son intérêt de continuer à lancer des roquettes", selon les termes utilisés par les responsables israéliens.
- Enfin, et c'est le point principal, autour duquel toutes les discussions diplomatiques vont tourner dans les semaines à venir : il faut faire en sorte que plus jamais le Hamas ne soit capable de se réarmer. Autrement dit, il faut rendre totalement hermétique la frontière sud entre Gaza et l'Egypte, où se trouve de nombreux tunnels de contrebande, permettant au Hamas de faire entrer des armes. C'est le point essentiel aux yeux des israéliens : empêcher qu'un retour à la situation actuelle, avec un Hamas disposant de milliers de roquettes, soit possible.
____________________________________________________________________________________________
Question de Malik, en France : Pourquoi ne laissent-ils pas partir les civils palestiniens en Égypte ?
Réponse d'Ygal Saadoun, à Rafah : C'est une question qui soulève beaucoup de polémiques en Égypte. De très nombreux habitants du pays reprochent à leur président, Hosni Moubarak, d'enfermer les Palestiniens pendant qu'ils souffrent et meurent sous l'effet de l'embargo et des bombes israéliens. Sa position hostile au Hamas ne fait qu'accroître un sentiment d'alliance objective avec Israël : une idée qui revulse ici.
En tout état de cause, Hosni Moubarak l'a répété la semaine dernière : "La frontière égyptienne est une ligne rouge". Pour lui, "Israël occupe la Palestine, l'Egypte doit donc fournir aux Palestiniens l'aide nécessaire et contrôler ce qu'il s'y passe". Il semble que l'Égypte souhaite éviter un nouvel afflux massif de Palestiniens, comme en janvier dernier. Mais elle craint davantage que ne lui incombe le rôle de "tuteur" des Gazaouis, à l'instar de la situation qui prévalait avant 1967, année où Israël a conquis le Sinaï égyptien, la bande de Gaza, la Cisjordanie et le Golan.
____________________________________________________________________________________________
Question de Jordi – Catalonia : Qui arme et finance le Hamas ?
Réponse de Rajaa Abou Dagga, correspondant de FRANCE 24 à Gaza : Le Hamas dispose de quatre sources de financement.
1- des cotisations collectées dans diverses parties de la planète, auprès de personnes qui croient en l’action djihadiste du mouvement islamiste contre "l’occupant" israélien ;
2- de pays et organisations qui n’ont jamais caché leur soutien au Hamas dans son combat contre Israël - notamment l’Iran et le Hezbollah, qui assurent également un soutien logistique et matériel au mouvement ;
3- des Frères musulmans et de tous leurs relais dans le monde arabe, qui voient en le Hamas le prolongement de leur organisation ;
4- des ressources propres du Hamas, c’est-à-dire ses investissements commerciaux et les impôts imposés sur différentes sortes d’activités.
Le tunnel de Rafah entre l’Egypte et Gaza est le principal lieu de transit des armes vers les Territoires palestiniens et le Hamas.
____________________________________________________________________________________________
Question de TG, en France : Y a-t-il une opposition au Hamas à l'intérieur de la bande de Gaza ? Je pense aux membres du Fatah notamment, dont certains ont été tués lors des événements de 2007, qui voudraient ou pourraient tirer parti de la situation...
Réponse de Lucas Menget, envoyé spécial à la frontière nord de la bande de Gaza : A l’intérieur de la bande de Gaza, l’opposition au Hamas est très faible. Les membres du Fatah ont quitté la zone en juin 2007 pour rejoindre la Cisjordanie. Depuis le début de l’offensive israélienne, le Hamas traque ceux qu'il considère comme des "traîtres".
_________________________________________________________________________________________
Question de Bridget Jones, à Dubaï : J'entends des informations contradictoires sur l’aide humanitaire autorisée à entrer dans Gaza. Certaines personnes affirment que 100 camions sont autorisés à y entrer chaque jour, d’autres disent que très peu de matériel médical et de vivres parviennent aux victimes. Qu’en est-il vraiment ?
Réponse de Radjaa Abou Dagga, correspondant à Gaza : Les aides humanitaires distribuées jusqu’à présent dans la bande de Gaza font partie des aides fournies chaque mois par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient [UNRWA[. Lequel a pris du retard, ce mois-ci, dans la distribution des aides, essentiellement des vivres et de la farine, en raison de la situation sur le terrain. L’Egypte a, de son côté, fourni du matériel médical pour les hôpitaux. Il faudrait cependant préciser que les aides qui affluent sont loin d’être suffisantes et que les camions transportant du fourrage pour le bétail sont considérés comme apportant de l’aide humanitaire.
________________________________________________________________________________________
Question de Zion, à Levallois, France : Pourquoi les médias français sont-ils, en général, en faveur des Palestiniens et du Hamas ?
Réponse de Gauthier Rybinski, spécialiste des relations internationales : Je ne peux évidemment parler qu’au nom de France 24. Ceci pour vous signaler que le traitement sur notre antenne de la crise actuelle fait l’objet d’une stricte équité concernant le temps accordé à l’expression des différents points de vue. Il ne vous aura pas échappé qu’à de nombreuses reprises des responsables ou intellectuels israéliens se sont exprimés sur notre chaîne et que nous n’avons jamais manqué de signaler les attaques de roquettes dont le Sud israélien fait l’objet.
____________________________________________________________________________________
Question de Mahmoud, à Gaza : Quelle est la réaction des citoyens israéliens - pas des dirigeants politiques - qui vivent dans "la zone de la ligne de feu", à la frontière entre Gaza et Israël, et d'où le Hamas continue de tirer ses roquettes, même après l’opération massive. Qu’en pensent ceux qui vivent loin de la bande de Gaza ?
Réponse de Lucas Menget, envoyé spécial dans le sud de l’Israël : La population israélienne soutient massivement l’opération en cours à Gaza. Le Hamas est devenu l’ennemi des gens, quelque soit leur bord politique. Tous ont peur des capacités militaires de la milice islamiste, qui a pris le pouvoir dans la bande de Gaza. Les habitants des villes frontalières sont les premiers à espérer que l’armée d’Israël écrase très rapidement le Hamas. Non seulement ils subissent quotidiennement des tirs de roquettes Qassam et Grad et vivent en permanence avec des alertes, mais ils doivent aussi faire face à des conditions économiques et sociales plus rudes que dans le reste du pays. Ceux qui vivent loin de la bande de Gaza se sentaient jusqu’à présent peu concernés par le conflit, mais l’augmentation de la portée des roquettes du Hamas a réveillé les consciences. Une barrière psychologique est tombée quand les artificiers du Hamas ont réussi à tirer à plus de 40 km.
___________________________________________________________________________________
Question d’Outeh, Amsterdam, Pays-Bas : Sachant que la ministre des Affaires étrangères de l’État hébreu s'est entretenue avec [le président égyptien] Moubarak quelques heures avant le début des massacres à Gaza, comment est-il possible qu’il n’ait pas été au courant des intentions d’Israël ? Les Égyptiens sont-ils en colère ou ne sont-ils que des spectateurs impuissants de ce qui se passe à quelques centaines de mètres de leur frontière ? En Egypte, a-t-on l'impression que Moubarak est "dans le coup" pour en finir avec le Hamas ?
Réponse de Ygal Saadoun, envoyé spécial en Egypte, près de la frontière avec Gaza : Lors de sa visite au Caire, Tzipi Livni a été assez claire sur la volonté israélienne de frapper le Hamas sans, bien sûr, détailler en public les plans d'attaque. Cette visite a beaucoup choqué les Egyptiens, même avant le début de l'offensive. L'Egypte est apparue trop conciliante avec la ministre israélienne, ce qui renforce l'idée que les deux pays partagent les mêmes points de vue à l'égard du Hamas. L'Egypte fait porter au Hamas la responsabilité de l'échec des pourparlers interpalestiniens pour former un gouvernement d'union nationale entre le Hamas et le Fatah. Le président Moubarak a répété, mardi, dans un discours télévisé qu'il exigeait le retour de l'autorité palestinienne à Gaza. Une position qui renforce le sentiment d'une convergence d'intérêts entre Tel Aviv et Le Caire auprès des Egyptiens.
À la frontière avec Gaza, c'est un mélange de honte et de colère contre le gouvernement qui domine. J'ai rencontré des habitants de Rafah qui préparent leur maison afin d'y accueillir des Palestiniens, au cas où la frontière serait ouverte. Une perspective peu probable en raison de la position égyptienne. Demain, d'autres manifestations sont prévues au Caire, après la prière du vendredi.