Devant la Cour de justice de la République (CJR), l'avocat général a requis quatre ans de prison, dont deux ferme, à l'encontre de Charles Pasqua. L'ex-ministre de l'Intérieur est poursuivi dans trois affaires de malversation financières.
AFP - Une peine de quatre années de prison dont deux ans ferme a été requise jeudi contre l'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, jugé par la Cour de justice de la République (CJR) dans trois affaires de malversations financières présumées.
L'avocat général Yves Charpenel a également requis une amende de 200.000 euros ainsi que la "privation des droits électifs" du sénateur UMP de 83 ans.
La défense de M. Pasqua doit prononcer ses plaidoiries dans l'après-midi.
"Il sera montré combien cette peine est inadaptée à la réalité humaine et politique de M. Pasqua", a affirmé devant la presse l'un de ses avocats, Me Leon Lev Forster, à l'issue des réquisitions.
La Cour de justice de la République est une juridiction d’exception créée en 1993, suite au scandale du sang contaminé et la multiplication des affaires liées à la politique. Elle n’est compétente que pour des infractions commises par des ministres durant l’exercice de leurs fonctions. Elle compte quinze juges : trois magistrats de la Cour de cassation et douze parlementaires – six députés et six sénateurs – élus par leurs pairs.
"Ces trois dossiers ne montrent aucune âpreté personnelle au gain, ni aucune volonté d'enrichissement crapuleux", a estimé M. Charpenel au terme d'un réquisitoire de près de deux heures.
Mais ils révèlent à ses yeux "deux faiblesses" de Charles Pasqua: "celle de la passion politique qui lui a fait perdre de vue les limites de la probité publique". Et "celle de la passion familiale et amicale", qui l'a conduit "à mettre au service de son fils unique et d’un ami politique fidèle les circuits illicites nés au coeur même du ministère qu’il dirigeait".
Charles Pasqua comparaît depuis le 19 avril pour "corruption passive" et "complicité d'abus de biens sociaux et de recel" devant la CJR, seule juridiction compétente pour juger les délits présumés commis par des ministres dans l'exercice de leurs fonctions.
Il encourt jusqu'à dix ans de prison s'il est reconnu coupable d'avoir usé de sa position Place Beauvau entre 1993 et 1995 pour octroyer des avantages financiers à ses proches, dont son fils unique, Pierre-Philippe Pasqua.
Selon le ministère public, Charles Pasqua a joué un rôle central dans trois affaires de malversation: une autorisation d'exploitation accordée au casino d'Annemasse en échange présumé d'un financement électoral ultérieur, un pot-de-vin extorqué au groupe GEC-Alsthom en contrepartie du déménagement d'une de ses filiales, des détournements de fonds au préjudice de la Sofremi, société sous tutelle du ministère de l'Intérieur.
L'accusation soutient que l'argent détourné avait notamment pour but de soutenir les ambitions politiques de l'homme fort du département des Hauts-de-Seine, alors en rupture de ban avec le RPR.
Durant tout le procès, la principale défense de Charles Pasqua a consisté à présenter celui-ci comme ayant été trahi par des collaborateurs malhonnêtes, véritables instigateurs des détournements.
Pour l'avocat général, cette explication ne tient pas: "personne ne peut raisonnablement croire à l’extrême naïveté de cet homme face à la cupidité de ses proches (...), à son extrême éloignement du fonctionnement de son propre cabinet, des services de son ministère".
Sa conviction est au contraire que Charles Pasqua a lui-même mis en place "un système atterrant mais bien réel d’utilisation à des fins personnelles de certaines des fonctions attachées aux missions mêmes de son ministère.
"Il n’a pas su résister aux opportunités que ses fonctions lui offraient de favoriser ceux qui lui étaient chers, à titre familial ou à titre politique", a déploré le représentant du ministère public.
Une dérive d'autant plus regrettable qu'il considère le prévenu comme un "homme de caractère, homme d’expérience, organisateur et combattant inlassable".
Au regard de la personnalité de Charles Pasqua et des infractions pénales, Yves Charpenel a réclamé une peine "juste, adaptée et réaliste" aux quinze juges de la CJR, dont douze parlementaires, qui rendront leur verdict vendredi.