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Hadopi aurait incité les "pirates" à être plus malins

Une étude du groupement scientifique breton Marsouin démontre que, pour l’instant, le dispositif contre les téléchargements illégaux, Hadopi, a eu plusieurs effets pervers.

La controversée loi Hadopi sur les téléchargements illégaux vient de se prendre un nouveau coup de poignard dans le dos. Cette fois-ci, il émane d’un réseau de chercheurs qui fédère 11 centres de recherche en sciences sociales et humaines en Bretagne. Le groupement Marsouin a publié, mardi, le premier rapport qui fait le point sur les pratiques de téléchargements illégaux neuf mois après la présentation du projet de loi Hadopi 2, qui avait alors été fortement critiqué pour son volet répressif et son manque de pertinence.

 Et le résultat n’est pas joli-joli. Il vient même ajouter de l’eau au moulin des adversaires du texte. Selon cette étude, qui s’appuie sur une enquête menée auprès de 2 000 Bretons, la principale conséquence du nouveau dispositif contre le piratage est d’avoir éduqué ceux qui le pratiquent. "En mettant l’accent sur le Peer-to-Peer [échange de fichiers d’ordinateur à ordinateur], Hadopi a poussé les pirates à trouver des méthodes de téléchargement illégal qui ne tombent pas sous le coup de la loi", explique à France24.com Sylvain Dejean, coordinateur des recherches pour Marsouin.

Certes, depuis la loi Hadopi 2, le recours au Peer-to-Peer a baissé de 15%. Mais les trois quarts de ceux qui ne s’y adonnent plus se sont tournés vers d’autres méthodes qui échappent à la loi. Et le nombre total de "pirates" a même légèrement augmenté sur un an (+3%).

Contre-productif

Principal bénéficiaire de cette tendance : le streaming (pour regarder ou écouter en "direct" sur l’Internet), qui représente maintenant 20% des comportements illégaux. Le téléchargement direct, sur des sites comme Rapidshare ou Megaupload, de films ou de musique protégés concerne 9% des pratiques. "Le streaming est utilisé davantage pour les séries, alors que le téléchargement direct sert pour les films entiers", précise Sylvain Dejean.

 L’autre tacle au dispositif Hadopi contenu dans le rapport concerne la sanction. En effet, la loi prévoit in fine la possibilité d’interrompre la connexion Internet des délinquants. Seulement l’étude souligne que 50% des "pirates" sont également des acheteurs numériques. Les auteurs du rapport vont même plus loin et estime que le volet punitif du texte pourrait réduire le marché numérique légal de 25%. "Si cette loi veut relancer le téléchargement légal, elle risque d’être contre-productive", conclut Sylvain Dejean.

 Enfin, Sylvain Dejean entrevoit également le développement d’un marché de l’anonymat lorsque les premiers mails d’avertissement seront envoyés aux pirates. En effet, certaines méthodes de téléchargement illégal, comme le recours aux Newsgroup ou aux serveurs virtuels, permettent d’être pratiquement intraçables. Certes, ces services nécessitent parfois des abonnements mensuels (environ 10 euros par mois), mais ces derniers reviennent toujours moins cher que l’utilisation de plateformes de téléchargement légales.

 Credit photo : antoninmoulart (flickr)