logo

Les Irakiens de France iront voter... aux Pays-Bas

Les quelque 7 000 Irakiens résidant dans l'Hexagone ne pourront se rendre aux urnes, dimanche, faute de bureaux de vote. Seule solution : se rendre aux Pays-Bas, où aucun visa n'est exigé pour les ressortissants irakiens.

Tout comme leurs compatriotes restés au pays, les communautés irakiennes résidant à l’étranger se préparent à participer au scrutin législatif. Une façon pour eux de prendre part aux "décisions politiques dans leur pays malgré leur éloignement". Quand ils peuvent toutefois le faire.

Les Irakiens de France ne pourront en effet pas voter sur le territoire français même si Paris a donné son accord. Principale raison : l’absence de bureaux de vote. Faute d’argent.

Dans l'Hexagone, on dénombre quelque 7 000 Irakiens, des intellectuels ou des étudiants. Principalement basés en région parisienne, à Lyon et à Montpellier, ils ont quitté leur pays dans les années 1970 et 1980 pour suivre des études ou fuir le régime répressif de Saddam Hussein. Pour pouvoir prendre part au scrutin de dimanche, ils n'ont trouvé qu'une solution : aller voter dans l’un des six pays européens proposant des bureaux de vote : le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Autriche, la Hollande, la Suède et le Danemark.

Si, pour certains, cette situation est imputable à la mauvaise gestion de la Haute Commission électorale indépendante pour l’Irak (IHEC), d’autres avancent des raisons politiques, arguant qu’on a voulu exclure la voix des Irakiens de France.

"Les frais des élections à l’étranger sont très élevés, justifie Iyad al-Kinani, en charge de l'organisation des élections à l’étranger pour l’IHEC. Cela nous a amené à exclure certains pays et à n'en retenir que 16, là où, d’après les recensements officiels, se trouve un nombre important d’Irakiens."

Appel au boycott

Cette explication ne convainc pas l’association des Irakiens en France, créée en 1985, qui appelle à boycotter les élections. "Les bulletins de vote sont un moyen réellement démocratique de s’opposer à la violence, commente son président, Amir al-Fourgi. Ils peuvent changer la situation de la communauté irakienne. L’absence de bureaux de vote sur le territoire français est une atteinte à l’un des plus importants droits civiques des Irakiens."

Et d’ajouter : "L’absence de bureaux de vote en France est une question politique. Les responsables de cette décision sont au pouvoir. Ils veulent exclure les Irakiens de France de ce pari électoral, car ils savent qu’ils n’ont pas la même vision qu’eux sur la situation en Irak et sur son avenir." L'association n'est pas entrée en contact avec l’ambassade. "Nous avons beaucoup de problèmes avec elle", conclut-il.

Aux grands maux, les grands remèdes. Les Irakiens désireux de voter se rendront donc aux Pays-Bas car le pays n’exige pas de visa des ressortissants irakiens, contrairement à d’autres voisins européens. Le voyage peut durer 10 heures aller-retour.

Un groupe d’Irakiens, composé de différentes tendances politiques et religieuses, a organisé le déplacement en bus. L’ambassade d’Irak en France, qui refuse d'y participer, indique ne pas être à l'origine de cette initiative.

"Nous sommes uniquement présents pour offrir une aide sur le plan administratif et des explications sur les élections, a fait savoir Bachar Abderhaman, responsable des Affaires irakiennes en France. Nous ne donnons aucune aide ni financière ni humaine aux organisateurs de ces déplacements afin qu’on nous ne reproche pas, par la suite, de vouloir favoriser une liste aux dépens d’une autre."

30 euros de participation

Derrière ce projet, plusieurs personnalités des médias ou du monde artistique, parmi lesquelles le journaliste Saad Messaoudi, l’écrivain Hilal Labidi ou le peintre Mohammed Znad. "Nous sommes plusieurs à être en contact permanent avec la communauté irakienne en France. Nous allons mettre à leur disposition trois bus qui partiront le 7 mars à 7 heures du matin de la gare de Lyon [à Paris] vers les Pays-Bas, explique le journaliste Saad Messaoudi. Le prix du voyage est de 30 euros aller-retour par personne. C’est une somme symbolique."

Si le taux de participation des Irakiens de France risque d’être faible, le journaliste estime que l'absence de bureaux n’aura pas de conséquences sur la participation. "Je suis en contact permanent avec mes concitoyens et je peux vous affirmer qu’ils sont plus enthousiastes cette fois-ci que les fois précédentes, poursuit-il. Ils veulent absolument que les choses changent dans leur pays pour pouvoir rentrer un jour, même si beaucoup d’entre eux se sont bien adaptés à la société française."

De son côté, l’Association islamique Al-Khouii (chiite) compte aussi organiser des déplacements gratuits aux Pays-Bas. Uniquement pour les électeurs favorables aux listes chiites.