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L'Alsace, terreau fertile pour une poussée verte

Europe-Écologie entend profiter de l'affaiblissement de la droite et de la conscience "écolo" des électeurs alsaciens pour offrir aux Verts une première présidence de région... avec l'aide des socialistes.

Jacques Fernique sera peut-être la star du 21 mars prochain. La tête de liste d'Europe-Ecologie en Alsace pourrait en effet devenir le premier président Vert de région. Et accessoirement battre la droite dans l'un de ses bastions, où près de 65 % des électeurs avaient voté pour Nicolas Sarkozy au second tour de l'élection présidentielle en 2007.

Pour réaliser ce tour de force, sa liste devra tout d'abord recueillir plus de voix que le Parti socialiste (PS) au soir du premier tour, le 14 mars. Et négocier la première position sur une nouvelle liste panachée avec les socialistes. Les Verts devront aussi compter sur le maintien du Front national au second tour, si ce dernier obtient 10 %, pour affaiblir l'UMP. Le sondage Ifop publié début février par le quotidien "L'Alsace" et l'hebdomadaire "Paris-Match" prédit justement ce scénario.

"Les écolos se sont enfin rassemblés, dans une région où ils ont traditionnellement été divisés", note Jacques Fernique pour expliquer la bonne forme de son mouvement. L'Alsace est l'une des trois seules régions où Europe-Ecologie (EE) a été rejoint par l'Alliance écologiste indépendante (AEI) de l'ex-candidat à la présidentielle de 1988 Antoine Waechter.

Une route semée d'embuches

L'AEI, si elle reste relativement méconnue au niveau national, garde une visibilité et un poids en Alsace, terre d'écologie par nature. "Nous avons hérité d'une région fortement urbanisée et industrialisée, qui ne peut plus soutenir un développement basé sur les transports routiers. La conscience écologique s'est répandue dans la population. Nous avons maintenant la majorité culturelle", se réjouit Fernique.

La route qui mène au perchoir du Conseil régional d'Alsace reste encore semée d'embuches pour ce professeur d'université âgé de 48 ans. En premier lieu, Europe-Ecologie devra remporter son duel au premier tour contre un PS avec lequel il faudra ensuite s'allier lors du second.

Mais Fernique réfute l'idée d'une primaire sanglante entre les deux alliés : "Les socialistes ne peuvent pas être majoritaires, même eux le savent. C'est vrai aussi au niveau national. L'écologie est la force qui peut faire basculer le pays à gauche. Notre campagne et celle des socialistes doivent être distinctes, mais complémentaires."

Un clivage droite-gauche moins marqué

L'élu municipal de Geispolsheim, située en périphérie de Strasbourg, croit donc fermement en ses chances de victoire dans la lignée du succès des Verts aux élections européennes de juin dernier. D'autant plus que l'affaiblissement de l'UMP local, orphelin de son charismatique leader Adrien Zeller décédé en août dernier, offre une occasion en or à Europe-Ecologie de courtiser les électeurs de droite.

"Une victoire des écologistes ne veut pas forcément dire une victoire de la gauche", analyse Claude Keiflin, qui suit la campagne pour le quotidien "Les Dernières Nouvelles d'Alsace". Dans la région, la gauche, plus sociale-démocrate qu'au niveau national, rend les clivages moins lisibles. "N'oubliez pas que l'Alsace est une région à forte conscience écologique, à droite comme à gauche. Comme l'a très bien dit le 'Canard Enchainé', si Europe-Ecologie gagne ce sera parce que les bobos de droite auront voté vert", ajoute-t-il.

Pour les Verts, reste maintenant à réussir la fin de campagne. Dans une région longtemps favorisée par sa proximité avec la Suisse et l'Allemagne, la situation économique s'est dégradée et le taux de chômage se rapproche de la moyenne nationale.

Or, pour Claude Keiflin, les Verts risquent d'être pénalisés en s'aventurant sur des thématiques non écologiques. "Je doute que les membres d'Europe-Ecologie connaissent leur propre programme, relève l'observateur local. Pour le moment, ils sont le plus souvent 'contre' un certain nombre de choses."