François Fillon effectue une visite de 24 heures en Syrie, où la France entend profiter économiquement du dégel diplomatique entre les deux pays. C'est la première fois depuis 1977 qu'un Premier ministre français se rend à Damas.
AFP - Le Premier ministre français François Fillon a entamé vendredi une visite de 24 heures en Syrie, où la France espère profiter économiquement du réchauffement diplomatique récent entre Damas et les puissances occidentales.
M. Fillon, premier chef du gouvernement à se rendre en Syrie depuis 1977, doit s'entretenir puis dîner avec le président Bachar al-Assad vendredi soir. Il doit quitter Damas samedi soir pour la Jordanie, où il restera une journée.
"Ma visite a pour objectif d'ancrer notre relation dans la durée et de lui permettre de franchir une étape supplémentaire", affirme M. Fillon dans une interview au quotidien syrien El-Watan publiée jeudi. Il veut notamment proposer à Damas "un partenariat global".
Cette visite sera ainsi marquée samedi par la signature d'accords bilatéraux à l'issue d'un forum économique, selon Matignon.
Un contrat d'achat de deux ATR (avions de transport régional) d'un montant de 27 millions d'euros sera paraphé et un protocole d'accord pour la vente de 14 Airbus à la compagnie Syrian Arab Airlines, datant de 2008 et bloqué par un embargo américain, sera prorogé.
Dans El-Watan, M. Fillon souhaite d'ailleurs que "la Syrie et les Etats-Unis trouvent les voies d'un rapprochement" ébauché récemment avec la nomination d'un ambassadeur américain à Damas après cinq ans d'absence.
Paris nourrit de grandes ambitions commerciales dans un pays où la croissance a été de +3% en 2009 malgré la crise, selon le FMI, et qui s'ouvre de plus en plus aux investissements étrangers.
La France n'est aujourd'hui que le 15e fournisseur de la Syrie et le 14e investisseur étranger. Paris est ainsi très intéressé par le projet de métro à Damas programmé pour 2016. "Il y a un potentiel pour être présent davantage", estime-t-on dans l'entourage du Premier ministre.
François Fillon est accompagné de la ministre de l'Economie Christine Lagarde et d'une trentaine de représentants de grandes entreprises et de PME (Alstom pour le métro notamment, Lafarge, Total).
Il devrait aussi rappeler "l'intérêt de la Syrie à signer un accord d'association avec l'Union européenne" qu'elle a repoussé sine die craignant une baisse de ses recettes douanières.
La culture sera également à l'honneur avec la signature d'un accord pour la construction d'un réseau de musées modernes et la valorisation d'une trentaine de sites archéologiques.
Les relations entre la France et la Syrie ont été très tendues après l'assassinat de l'ex-Premier ministre libanais Rafic Hariri en février 2005, attribué aux services secrets syriens. Cet assassinat avait entraîné deux mois plus tard le retrait des troupes syriennes du Liban après 29 ans de présence.
Après son élection en mai 2007, le président français Nicolas Sarkozy a opéré un tournant à 180 degrés, conditionné à la fin de la tutelle de la Syrie sur le Liban. Les deux pays voisins ont établi en 2008 des relations diplomatiques, inexistantes depuis 60 ans.
Par ailleurs, la France "qui est l'amie à la fois de la Syrie et d'Israël", rappelle M. Fillon dans El-Watan, est prête "à contribuer à des pourparlers de paix", actuellement gelés, entre les deux pays sous l'égide de la Turquie.
Autre dossier sensible qui devrait être évoqué: l'Iran dont la Syrie est un allié de poids.
La venue en France à deux reprises de Bachar al-Assad depuis 2008 a également provoqué les critiques des organisations de défense des droits de l'Homme sur le sort réservé aux opposants politiques syriens.
Ce sujet sera-t-il abordé? "Il n'y a pas de question taboue", répond Matignon.