Berne a interdit dimanche à 188 responsables libyens, dont Kadhafi, de se rendre en Suisse. En retour, la Libye ne délivre plus de visas aux ressortissants de l'UE, à l'exception des Britanniques, selon un responsable de l'aéroport de Tripoli.
REUTERS - La Libye a suspendu la délivrance de visas d’entrée aux ressortissants de l’Union européenne, à l’exception des Britanniques, a confirmé lundi un responsable de l’aéroport international de Tripoli.
« C’est exact. La décision a été prise. Pas de visas pour les Européens, sauf pour la Grande-Bretagne », a dit à Reuters ce responsable qui a exigé l’anonymat.
Il n’a fourni aucune explication à cette décision, qui n’a reçu confirmation immédiate ni du gouvernement libyen ni des pays de l’UE.
Le journal libyen Oea, proche du fils du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, avait auparavant rapporté que Tripoli cesserait de délivrer des visas aux pays de la zone Schengen, dont fait partie la Suisse, qui n’est pas membre de l’UE.
Le ministère italien des Affaires étrangères a déclaré que la décision de Tripoli était une mesure de représailles à la récente publication par le gouvernement de Berne d’une « liste noire » de 180 ressortissants libyens interdits d’entrée dans la Confédération.
« La riposte libyenne à la décision suisse affecte tous les pays de la zone Schengen », a dit un porte-parole du ministère italien. « Des contacts sont en cours entre les pays de la zone Schengen pour apporter une réponse coordonnée à cette mesure ».
Tripoli est engagé depuis plusieurs mois dans un bras de fer diplomatique avec Berne au sujet de deux ressortissants suisses qui travaillaient en Libye et ont été poursuivis pour infraction aux législations sur l’immigration et le commerce.
La semaine dernière, une cour d’appel libyenne a réduit à quatre mois la peine de 16 mois de prison infligée le 1er décembre à l’homme d’affaires Max Göldi pour infraction à la législation sur l’immigration.
Göldi et son compatriote Rachid Hamdani sont retenus en Libye depuis juillet 2008, à la suite de la brève arrestation à Genève d’un fils du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, Hannibal, qui a entraîné des représailles de Tripoli contre la Confédération helvétique.
Contentieux avec la Suisse
Tous deux se sont vu reprocher d’enfreindre les législations sur l’immigration et sur le commerce. Mais Hamdani, qui travaille pour une firme de BTP en Libye, a été blanchi en janvier en appel du premier chef d’accusation et il y a huit jours du second.
Göldi, directeur de la firme d’ingénierie helvético-suédoise ABB , a pour sa part écopé en appel d’une amende de 800 dollars pour infraction à la législation sur le commerce.
Bien que Tripoli nie tout lien entre les deux affaires, les démêlés judiciaires des deux ressortissants helvétiques sont intervenus dans la foulée de l’arrestation le 15 juillet 2008 par la police de Genève de Hannibal Kadhafi et de son épouse enceinte.
Ils avaient été interpellés par une vingtaine de policiers parce que le personnel du palace genevois où ils étaient descendus avaient signalé un esclandre avec leurs domestiques, une Tunisienne et un Marocain, qui se sont plaints de mauvais traitements.
Le couple Kadhafi a démenti ces accusations et quitté la Suisse après avoir versé une caution. La justice helvétique a renoncé en septembre à ses poursuites contre les Kadhafi lorsque les deux domestiques ont retiré leur plainte après être parvenus à une transaction avec leurs employeurs.
Mais, entre-temps, l’indignation de Tripoli s’est manifestée par le retrait de cinq milliards de dollars d’avoirs dans les banques suisses, l’interruption de ses livraisons de pétrole à la Confédération. Parallèlement, Handi et Göldi s’étaient vu interdire de quitter le pays.
La Libye a obtenu un an plus tard des excuses du président helvétique Hans-Rudolf Merz, en visite à Tripoli, pour le traitement réservé à Hannibal Kadhafi. Berne espérait que ce geste faciliterait la libération de ses deux ressortissants, mais il n’en fut rien.
Depuis, le contentieux concernant les deux hommes d’affaires suisses a traîné en longueur, notamment parce qu’ils se sont réfugiés à l’ambassade de Suisse dans l’attente de l’issue de leurs appels, de crainte d’être emprisonnés.