
Le président Donald Trump et l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair posent lors du sommet pour la paix à Gaza, à Charm el-Cheikh, en Égypte, le 13 octobre 2025. AP - Yoan Valat
Fin septembre, Donald Trump avait dévoilé son plan pour mettre fin à la guerre à Gaza. Le président américain avait alors annoncé que l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair ferait partie du "comité de la paix" en charge de superviser le gouvernement transitoire du territoire palestinien prévu par Washington.
Deux mois plus tard, la présence de l'ancien dirigeant travailliste est compromise. Selon des informations publiées, lundi 8 décembre, par le Financial Times, "Tony Blair a été écarté de la liste des candidats au 'Comité de la paix' de Donald Trump à Gaza, à la suite d'objections de plusieurs États arabes et musulmans". Jusqu'à présent, il était la seule personne dont le nom avait été évoqué pour siéger à ce conseil d'administration.
"Une idée absolument horrible"
Lors du dévoilement de ce plan en 20 points visant à mettre fin à la guerre entre Israël et le Hamas, l'ancien locataire du 10 Downing Street avait qualifié le projet de Trump d'"audacieux et intelligent" et avait indiqué qu'il serait heureux de siéger au conseil d'administration, qui doit être présidé par le président américain. Ce dernier l'avait encensé tout en concédant que la nomination de Blair pourrait susciter des oppositions : "J'ai toujours bien aimé Tony, mais je veux m'assurer qu'il soit un choix acceptable pour tout le monde".
Les critiques n'ont en effet pas tardé à fuser dès l'annonce de cette possible nomination. "C'est une idée absolument horrible", avait réagi sur CNN le responsable palestinien Moustafa Barghouti, du groupe Palestinian National Initiative. Il est "inacceptable de faire appel à une personne étrangère pour gérer les affaires palestiniennes à Gaza", avait-il ajouté, mettant en avant "la réputation" de Tony Blair depuis l'invasion de l'Irak en 2003. La décision de ce dernier d'engager son pays dans la guerre en Irak avait suscité une forte opposition. Des millions de manifestants avaient alors protesté dans les rues de Londres, l'accusant d'avoir menti sur la présence, jamais avérée, d'armes de destruction massive en Irak.
Beaucoup, au Royaume-Uni comme au Moyen-Orient, ne lui ont pas pardonné, à l'image de Francesca Albanese, rapporteure des Nations unies pour la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés. "Tony Blair? Pas question". "Ne touchez pas à la Palestine. Peut-être pourrions-nous nous rencontrer à La Haye ?", avait-elle écrit sur X, en référence à la Cour pénale internationale.
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Accepter Gérer mes choixSes détracteurs estiment qu'il devrait être jugé pour les crimes de guerre commis lors de l'invasion de l'Irak. En 2016, une commission d’enquête indépendante avait conclu qu’il avait exagéré la menace posée par Saddam Hussein. Peu après la publication de ce rapport, Tony Blair avait exprimé ses remords lors d'une conférence de presse : "C’était la décision la plus difficile que je n’ai jamais prise. Je l’ai prise de bonne foi. J’en endossé l’entière responsabilité. J’éprouve plus de peine, de regrets et d’excuses que vous pouvez l’imaginer".
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Mais le souvenir de ce soutien du Royaume-Uni aux États-Unis est resté dans les mémoires. "L'implication de Blair a provoqué la consternation parmi de nombreux Palestiniens, qui se souviennent principalement de lui comme l'un des architectes de la guerre menée par les États-Unis en Irak et comme un homme qui a toujours pris le parti d'Israël tout au long de sa longue carrière", avait ainsi résumé le Washington Post lors du dévoilement du plan de paix de Trump.
Une implication "dans les conflits les plus épineux"
Pour autant le quotidien américain ne s'était pas étonné du retour de l'homme politique britannique au cœur des négociations sur Gaza. Le Washington Post avait rappelé que "depuis son rôle dans les accords du Vendredi saint de 1998, qui mirent fin aux violences sectaires en Irlande du Nord au début de son mandat, Blair s'est impliqué dans les conflits les plus épineux, notamment en mobilisant les alliés de l'OTAN pour une intervention militaire au Kosovo un an plus tard".
Après son départ de Downing Street, et jusqu'à 2015, il avait été l'envoyé spécial du Quartet pour le Moyen-Orient, qui regroupait l'Union européenne, la Russie, les Nations unies et les États-Unis. Il avait joué le rôle de médiateur dans les négociations de paix et devait encourager le développement de l'économie et des institutions palestiniennes. Mais ce mandat n'avait pas atteint ses objectifs, dans un contexte de gel du processus de paix. "Le Quartet a échoué à répondre aux réalités politiques changeantes sur le terrain, alors que les colonies israéliennes s’étendaient et que l’occupation militaire s’intensifiait. Selon ses détracteurs, le Quartet aurait largement ignoré le droit des Palestiniens à l’autodétermination et à la souveraineté, se concentrant plutôt sur une amélioration marginale des conditions économiques et sur des initiatives superficielles", avait résumé auprès de The Conversation, la chercheuse Dana El Kurd, de l'Université de Richmond aux Etats-Unis.
Depuis Tony Blair s'est investi dans sa société de conseil, le Tony Blair Institute for Global Change (TBI), une organisation à but non lucratif créée en 2016 pour conseiller certains gouvernements, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Dans ce cadre, il s'est rendu à la Maison Blanche avec le gendre du président américain, Jared Kushner, pour présenter un projet visant à mettre fin au conflit meurtrier dans le territoire palestinien. D'après Haaretz, il aurait également eu fin novembre une réunion non publique avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu pour discuter de projets. Selon le journal israélien, les deux hommes se sont rencontrés fréquemment lors des derniers mois.

Mais les activités de l'ancien Premier ministre à la tête de TBI interrogent. Selon Lighthouse Reports, l’institut a récemment réorienté une grande partie de ses activités vers la technologie et l’intelligence artificielle appliquées à la gouvernance. Une évolution directement liée au soutien financier d’Oracle, géant américain des logiciels et des bases de données fondé par l'homme d'affaires, Larry Ellison, l'un des premiers soutiens de Donald Trump, qui a injecté 130 millions de dollars dans le TBI entre 2021 et 2023. Même si Tony Blair ne perçoit aucun salaire de l'organisation, "ce partenariat nourrit les critiques sur de possibles conflits d’intérêts, certains craignant qu’une mission politique au Proche-Orient ne serve aussi les ambitions commerciales d’un acteur privé", estime ainsi RFI. Haaretz rappelle également que Larry Ellison, "l'une des dix personnes les plus riches du monde, figure comme témoin numéro 312 sur la liste de l'accusation lors du procès pénal de Netanyahu et est considéré comme un proche du Premier ministre".
Malgré ces critiques, Tony Blair ne serait pas complètement écarté du plan de paix pour Gaza. Selon Haaretz, il pourrait "être nommé à un poste intermédiaire au sein du conseil, qui regrouperait des personnalités du monde des affaires et de hauts fonctionnaires de plusieurs pays, aux côtés des conseillers de Trump, Steve Witkoff et Jared Kushner". Le Financial Times abonde dans le même sens, citant une source proche du dossier : "Il pourrait encore avoir un rôle à jouer, mais à un autre niveau, et cela semble probable. Les Américains l'apprécient, et les Israéliens aussi".
Avec AFP
