
Roger Lumbala, signant des documents avant un point de presse à Kampala, en Ouganda, le 6 février 2013. © Isaac Kasamani, AFP
Détenu en France depuis 2020, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le procès de l'ex-rebelle congolais Roger Lumbala, poursuivi notamment pour complicité de crimes contre l'humanité, s'ouvre mercredi 12 novembre à Paris.
Il devrait durer plus d'un mois, avec les témoignages attendus de dizaines de victimes, sans que l'on sache combien pourront se déplacer jusqu'à la cour d'assises de Paris.
La justice française reproche à Roger Lumbala les crimes commis en République Démocratique du Congo en 2002 et 2003 en Ituri et dans le Haut-Uélé par son mouvement rebelle du RCD-N (Rassemblement des Congolais démocrates-National), soutenu par l'Ouganda voisin, et qui comptait parmi la dizaine de groupes alors en guerre dans le nord-est de la RD Congo.
Ces exactions ont été perpétrées lors d'une offensive contre des mouvements pro-gouvernementaux, baptisée "Effacer le tableau" et menée conjointement avec son allié du Mouvement de libération du Congo (MLC) de l'actuel ministre congolais Jean-Pierre Bemba.
Outre la lutte contre les forces loyales au président de l'époque Joseph-Désiré Kabila, cette opération visait à "mettre la main sur les ressources naturelles" de la région, selon le rapport "Mapping" de l'ONU publié en 2010.
Elle a donné lieu à de nombreux crimes : exécutions sommaires, travail forcé, tortures, mutilations, pillages, ainsi que des viols de femmes.
"Les effaceurs"
Ceux-ci ont été utilisés comme "instruments de guerre" par des combattants qui se désignaient comme "les effaceurs", selon les magistrats instructeurs français qui avaient lancé leurs investigations en 2016. Les femmes nande et pygmées bambuti, deux communautés soupçonnées de pencher du côté d'un groupe armé pro-Kinshasa, le RCD-ML, ont payé un lourd tribut.
Ephémère ministre durant la période de transition entre 2003 et 2005, puis candidat à la présidentielle en 2006 avant de reprendre le chemin de l'exil, Roger Lumbala, qui a expliqué durant l'enquête qu'il n'était alors qu'un "homme politique n'ayant disposé d'aucun militaire sous ses ordres", contestera sans doute la compétence de la justice française.
Les juges d'instruction, qui le décrivent comme "un chef de guerre à la tête de forces armées" ayant laissé les combattants "sous son autorité et son contrôle commettre des crimes contre l'humanité", l'ont poursuivi au titre de la compétence universelle. Celle-ci permet de juger les auteurs de tels crimes même s'ils sont commis dans un autre pays.
Parmi les conditions, l'auteur présumé doit avoir sa résidence habituelle en France : à l'inverse de Jean-Pierre Bemba, c'est le cas de Roger Lumbala. Il dispose d'un appartement à Paris, où il avait déposé une demande de renouvellement de son statut de réfugié qui lui a été refusé, point de départ de l'enquête quand l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) avait signalé son cas à la justice.
Procès historique
Ce procès est le premier au monde "en vertu de la compétence universelle pour des atrocités de masse commises en République démocratique du Congo (RDC) par un ressortissant congolais", se sont félicitées dans un communiqué plusieurs ONG parties civiles, la Clooney Foundation for Justice (CFJ), TRIAL International, Minority Rights Group (MRG), Justice Plus et PAP-RDC, qui soutient les populations pygmées de RDC.
Le Parquet national antiterroriste a décidé d'enregistrer les débats "au titre de la constitution d'archives historiques de la justice", comme c'est le cas pour les procès jugeant des crimes contre l'humanité.
"Le fait de tenir Lumbala responsable de ses actes envoie un signal fort dans le conflit violent qui sévit actuellement en République démocratique du Congo, à savoir que les abus feront l'objet d'enquêtes et que justice sera rendue", se félicite Samuel Ade Ndasi, de l'ONG britannique MRG.
Aujourd'hui, des combats entre forces armées congolaises et groupes armés, notamment le M23 soutenu par le Rwanda voisin, se poursuivent dans l'est de la République démocratique du Congo malgré des pourparlers et la récente signature d'un accord de paix entre Kinshasa et Kigali.
Depuis près de 30 ans, ces guerres ont fait directement ou indirectement (maladies, destruction des infrastructures, etc.), des millions de morts et de déplacés.
Avec AFP
