
L’homme qui brandit deux têtes décapitées dans la photo du bas n’est pas Ahmed Al-Charaa, contrairement à ce qu’affirment des internautes. © X
Mercredi, le nouveau président syrien, Ahmed al-Charaa, a prononcé le premier discours d’un chef d’État syrien devant l’Assemblée générale de l’ONU depuis presque 60 ans. L’événement apparaît aussi comme un symbole de la reconnaissance internationale dont jouit désormais le leader, devenu président par intérim de la Syrie après le renversement du régime de Bachar al-Assad en décembre dernier.
Sur le réseau X, un internaute s’insurge de la nouvelle respectabilité d’Ahmed al-Charaa : "Les Nations unies sont une blague", s’exclame-t-il. Il publie un collage de deux photos, vu plus de 12,5 millions de fois, qui révélerait un crime de guerre dont le président syrien se serait rendu coupable alors qu’il était encore le dirigeant du groupe jihadiste HTC.
Dans le collage, l’image du haut montre le président syrien assistant à une réunion à l’ONU. Sur l’image du bas, que nous avons choisi de ne pas montrer dans son intégralité, un jihadiste brandit deux têtes décapitées. L’homme serait, selon l’internaute qui partage ces photos, Ahmed al-Charaa.

Un jihadiste australien
Ahmed al-Charaa a bien un long passé de jihadiste. Durant l’invasion américaine de l'Irak en 2003, il rallie Al-Qaïda puis l’organisation État islamique. En Syrie, durant la guerre civile qui ravage le pays à partir de 2011, il fonde le Front al-Nosra, un groupe également lié à Al-Qaïda. En 2017, Ahmed al-Charaa forme avec d’autres mouvements islamistes le groupe rebelle Hayat Tahrir al-Cham (HTC). Le groupe s’empare d’une partie de la province d’Idleb et est alors accusé d’abus brutaux contre des opposants. HTC est aussi considéré comme une organisation terroriste par le département d’État américain jusqu’au 8 juillet dernier, date à laquelle le mouvement est retiré de la liste des organisations terroristes établie par le ministère.
Pour autant, l’homme qui brandit deux têtes décapitées dans la photo n’est pas le président syrien. Une recherche d'image inversée (voir ici comment procéder) permet de retrouver sa véritable identité.
On retrouve la photo du jihadiste avec les têtes décapitées dans un article de CNN publié en 2014. L’homme s’appelle en fait Mohamed Elomar et est un jihadiste australien qui s’est rendu en 2013 en Syrie pour combattre pour l’organisation État Islamique en Syrie puis en Irak, comme le rapporte un article de la BBC. Selon la police australienne, la photo où Mohamed Elomar brandit deux têtes décapitées aurait été prise à Raqqa, en Syrie. L’homme a vraisemblablement été tué lors d’une attaque de drone en 2015.
Ahmed al-Charaa aurait écouté le discours de Benjamin Netanyahu
La première photo du collage où l’on voit Ahmed al-Charaa assister à une réunion à l’ONU est également reprise sur X pour une autre accusation visant le président syrien.
Vendredi, le discours de Benjamin Netanyahu aux Nations unies a fait l’objet d’une vive marque de réprobation de la part de plusieurs délégations : de nombreux délégués ont en effet quitté la salle de l’Assemblée avant que le Premier ministre israélien ne monte sur scène pour prendre la parole. Selon un internaute, qui publie pour prétendue preuve la photo d’Ahmed al-Charaa à l’ONU, le président syrien n’aurait pas suivi ce mouvement de protestation et serait resté pour écouter le discours de Benjamin Netanyahu. "Félicitations pour votre révolution juive, les Syriens", fustige l’internaute sur X, dans un post vu plus de 890 000 fois.

Cette affirmation est trompeuse. On peut retrouver la photographie d’Ahmed al-Charaa prise à l’ONU sur le compte Instagram de la présidence syrienne. Le cliché a été publié sur le compte lundi, comme l’indique la date du post sur Instagram. Soit quatre jours avant le discours de Benjamin Netanyahu.
Le 22 septembre, Ahmed al-Charaa participait en fait à une conférence des Nations unies sur la solution à deux États pour la Palestine, explique l’Agence syrienne pour l’information.