Son rôle aurait été "crucial" pour bouter l’armée ukrainienne hors de la région russe de Koursk en mars dernier. Elle inquiète le lieutenant-colonel ukrainien Kyrylo Veres, qui assure ne pas "envier les soldats ukrainiens qui doivent l’affronter". C'est une unité russe, au cœur d'une enquête publiée jeudi 17 septembre par la rédaction russophone de Radio Free Europe/Radio Liberty (RFERL), responsable de nombre d'innovations qui ont eu un impact sur le champ de bataille.

Son nom : le Rubicon Center. "C’est la première division professionnelle et centralisée de l’armée russe pour la guerre de drones", résume Huseyn Aliyev, spécialiste de la guerre en Ukraine à l’université de Glasgow.

En direct du "Disneyland" militaire russe

La Russie se garde bien de trop en dire sur cette organisation, et jusqu’à présent – à part quelques bribes d’informations et un compte Telegram qui fait la promotion de son efficacité contre l’armée ukrainienne –, le Rubicon Center était presque systématiquement désigné comme l’unité "secrète" de drones russe par les médias russes.

L’enquête de RFERL explore les coulisses de cette unité qui "n’apparaît pas dans les bases de données des entités légales russes et dont les liens avec le ministère de la Défense ne sont pas clairs". Pourquoi tant de cachotteries ? "Ce centre doit être une cible prioritaire pour les Ukrainiens, et les Russes cherchent donc à la dissimuler le mieux possible", souligne Huseyn Aliyev.

Discrétion, mais pas non plus jusqu'au secret défense. Le Rubicon a été très officiellement inauguré par le ministre russe de la Défense, Andrei Belousov, le 11 octobre 2024, même si en réalité, ces experts en drones étaient déjà actifs depuis juillet. 

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© France 24

02:14

Le Kremlin veut pouvoir se vanter d'avoir une unité d'élite de drones, mais sans vendre la mèche à l'ennemi. Sauf que la télévision russe a, en février 2025, mal flouté un reportage à ce sujet.

Surprise : RFERL découvre alors que le Rubicon Center opère principalement depuis le centre de congrès du Patriot Park, un vaste parc à thème souvent appelé le "Disneyland militaire" russe, situé dans la banlieue ouest de Moscou. "Ce n’est clairement pas un endroit où on s’attendrait à trouver le centre d’opération d’une unité d’élite de l’armée russe", confirme Huseyn Aliyev. Son chef, un colonel de 37 ans appelé Sergeï Viktorovich Budnikov, n’avait jusqu’à présent jamais fait parler de lui, d’après l’enquête de Radio Free Europe.

De Koursk au Donbass

Ces révélations vont probablement attirer l'attention des missiles et drones ukrainiens sur ce centre des congrès. S’en débarrasser serait une bénédiction pour Kiev, car le Rubicon Center a "rendu l’armée russe plus efficace, même si affirmer qu’il a joué un rôle décisif dans la bataille de Koursk est peut-être un peu exagéré", estime Huseyn Aliyev.

Pour cet expert, son principal avantage est qu’il représente un centre "tout-en-un" à la pointe de la technologie pour la guerre des drones. C’est-à-dire qu’il reçoit toutes les ressources nécessaires pour développer ou acheter les dernières innovations, qu’il organise la formation des pilotes et peut coordonner les missions des brigades de drones envoyés sur le front.

D’un point de vue organisationnel, c’est aussi la première unité de drones où existe une vraie division du travail. "Chacun a un rôle très précis pour chaque mission", explique RFERL. Le pilote ne fait pas le travail du mécanicien, qui ne remplace pas l’ingénieur, et ainsi de suite.

Le Rubicon Center a d’abord fait parler de lui dans la région de Koursk, où "il a joué un rôle important aux côtés du grand nombre de soldats nord-coréens pour repousser l’offensive ukrainienne", explique Huseyn Aliyev.

Mais ces spécialistes en drones ne se sont pas arrêtés là. Ils sont dorénavant aussi actifs dans la région de Donetsk, où leur efficacité permet de mieux comprendre pourquoi les Russes ont d’abord autant avancer dans le Donbass durant l’offensive d’été, assurent les experts interrogés par RFERL.

À la pointe de l’innovation

Leur apport est d’abord technologique. "Ils ont été les premiers à introduire les drones à fibre optique [reliés à un fil physique, donc moins faciles à pirater que des drones pilotés grâce aux ondes radio, NDLR] et les drones pilotés par IA", explique Huseyn Aliyev. Ces derniers sont équipés d’un logiciel sur lequel sont chargées des instructions pour atteindre la cible, et "lorsque la communication avec le pilote est perdue, l’IA prend le relais", précise Huseyn Aliyev.

Le Rubicon Center a aussi développé le premier drone naval russe. Un domaine dans lequel, jusqu’à présent, l’Ukraine n’avait aucun concurrent russe, ce qui lui permettait d’avoir un avantage certain en mer Noir. L’armée russe a commencé à en utiliser fin août 2025.

Toutes ces innovations ne visent pas uniquement à faire des drones russes des meilleurs tueurs de soldats. Le Rubicon Center vise avant tout à détruire ou perturber la logistique des lignes des défenses urkainiennes. Les drones visent en priorité les positions fortifiés, les lignes de ravitaillement ou les dépôts de munitions. Ainsi, "les drones pilotés par IAn, par exemple, peuvent atteindre la deuxième, voire la troisième ligne de défense. Cela change la dynamique des combats, aussi bien sur le front qu’en arrière", reconnaît Huseyn Aliyev.

Le problème, d’après cet expert, c’est que pour l’instant, les Ukrainiens n’ont pas encore des remèdes satisfaisants aux drones pilotés par IA déployés par le Rubicon Center.