
Des habitants de la ville de Gaza fuient vers le sud en empruntant la route côtière à Nousseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 9 septembre 2025. © Eyad Baba, AFP
L'étau se resserre un peu plus sur la ville de Gaza. L'armée israélienne a émis, mardi 9 septembre, un ordre d'évacuation pour toute la ville, considérée par l'État hébreu comme le dernier bastion du Hamas, et a averti qu'elle agirait avec une "puissance accrue" dans ce centre urbain.
C'est la première fois que l'armée ordonne l'évacuation de l'ensemble de la ville, suggérant qu'une incursion terrestre est imminente. Jusqu'ici, les ordres d'évacuation ne concernaient que certains quartiers.
"À tous les habitants de la ville de Gaza (…), l’armée de défense est déterminée à vaincre le Hamas et agira dans la zone de la ville de Gaza avec une puissance accrue. Evacuez immédiatement par l’axe Al-Rachid", a prévenu sur le réseau social X le colonel Avichay Adraee, porte-parole arabophone de l’armée israélienne.

L'armée a demandé aux habitants de se rendre dans une "zone humanitaire" située dans la zone côtière surpeuplée d'Al Mawasi, dans le Sud, où des milliers de Palestiniens se sont déjà réfugiés dans des tentes.
Dans le même temps, Israël a continué à intensifier ses bombardements sur la ville, la Défense civile faisant état d'au moins 15 morts à la mi-journée.
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Disant contrôler 40 % de l'agglomération, l'armée israélienne assure vouloir s'en emparer dans sa totalité pour venir à bout du Hamas et libérer les otages capturés le 7 octobre 2023. D'après l'armée, 47 captifs restent retenus dans l'enclave, dont 25 présumés morts, sur un total de 251 personnes enlevées ce jour-là.
L'ONU, qui estime à environ un million de personnes la population de la ville et ses environs, a mis en garde contre un "désastre" alors que l’immense majorité des habitants du territoire palestinien, épuisés par 23 mois de guerre, ont déjà été contraints de fuir à plusieurs reprises.
Ancien officier et chroniqueur, auteur de "Petites leçons sur la guerre" (éd. Autrement), Guillaume Ancel estime que cette incursion terrestre, qui ne répond à aucune logique militaire, s'apparente à une "opération de déportation de masse". Entretien.
France 24 : Au regard des derniers éléments d'information dont nous disposons, l'incursion terrestre de l'armée israélienne dans la ville de Gaza semble imminente. Faut-il s'attendre à des actions de guérilla de la part du Hamas ?
Guillaume Ancel : Il y a en effet un risque. Il est évident que les gens ne vont pas les accueillir avec des roses. Les soldats israéliens vont être confrontés à des pièges et des mines. Il faut souligner qu'il y a beaucoup de bombes non explosées de l'armée israélienne elle-même. Il y a aussi des immeubles qui sont à moitié détruits et qui constituent un risque en cas d'effondrement. Envoyer des troupes au sol dans ce genre de territoire est toujours difficile.
En revanche, la confrontation militaire avec le Hamas est inexistante. Le propre même d'une organisation terroriste est de ne jamais chercher un affrontement classique avec une armée surpuissante comme celle d'Israël. C'est pour cette raison que les militaires israéliens sont très hostiles à cette opération car elle ne sert à rien. C'est un non-sens en termes militaires.
Détruire les rares infrastructures qui sont encore debout, les immeubles d'habitation ou même les tunnels ne détruira pas le Hamas. Le Hamas n'est pas le Hezbollah. Ce n'est pas une armée. Jamais personne n'a détruit un nuage de fumée avec des bombardements. Cette offensive est en réalité destinée à autre chose. Elle sert à organiser une déportation de masse. L'armée va donc continuer à bombarder et jouer les rouleaux compresseurs pour obliger la population à partir. C'est désormais une affaire de jours.
Selon vous, l'armée israélienne pourrait donc rester dans la ville de Gaza jusqu'à ce que tous les habitants soient évacués ?
La réalité, c'est que le Premier ministre israélien veut s'emparer de Gaza. Il veut pousser définitivement la population vers le sud. Certains ministres de son gouvernement ont déjà expliqué qu'il fallait rendre impossible aux Palestiniens le fait de vivre sur leur propre sol. Donc Benjamin Netanyahu tente de les pousser vers la frontière égyptienne. Dans un second temps, il leur proposera de rejoindre un pays d'accueil. Le but, c'est de vider Gaza, ou en tout cas de faire en sorte que l'essentiel de Gaza revienne à Israël.
Mais le plan du gouvernement suscite des résistances au sein de l'armée israélienne, qui comprend que son rôle n'est pas seulement militaire et qu'elle sert à organiser une déportation, ce qui est un crime contre l'humanité. Certains militaires s'inquiètent d'avoir à porter cette responsabilité pendant des décennies. Cette incursion terrestre s'annonce comme une catastrophe dans la catastrophe pour les Palestiniens frappés par la famine et qui vont devoir une nouvelle fois partir avec rien.
Diriez-vous que les efforts de médiation visant à parvenir à un cessez-le-feu volent définitivement en éclats avec cette prise imminente de la ville de Gaza par l'armée israélienne ?
En réalité, Benjamin Netanyahu ne veut surtout pas trouver un accord avec le Hamas, qui reste son meilleur ennemi. Quand le président américain Donald Trump a voulu sortir les deux derniers otages américano-israéliens, ça lui a pris 48 heures. Donc si Netanyahu voulait libérer les otages, il les aurait récupérés depuis 18 mois.
Ce qu'il veut, c'est continuer sa guerre parce qu'il souhaite s'emparer de la bande de Gaza au même titre qu'il essaie de s'accaparer, de mon point de vue, la Cisjordanie. Depuis le début de la guerre, il entretient une sorte de vision messianique. Il se dit que c'est l'opportunité historique de réaliser le "Grand Israël". Il peut se permettre d'agir de cette manière parce que, malgré la pression internationale, il ne rencontre que peu d'opposition et Donald Trump est d'accord avec lui.