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Présidentielle ivoirienne : la "Dame de fer" Simone Ehivet, ex-Gbagbo, veut jouer le premier rôle
Ancienne première dame de Côte d’Ivoire et ex-conseillère de l'ombre de Laurent Gbagbo, Simone Ehivet compte désormais gouverner en solo. Divorcée de l’ancien président, elle concourt pour la première fois en octobre à la présidentielle, à la tête de sa propre formation politique, le Mouvement des générations capables (MGC).
L'ancienne première dame de Côte d'Ivoire et présidente du Mouvement des générations capables (MGC), Simone Ehivet, salue ses partisans à son arrivée à un rassemblement annuel dans un stade de Yopougon, à Abidjan, le 5 juillet 2025. © Sia Kambou, AFP

Elle compte "bâtir [une] nation nouvelle" dans "une Afrique souveraine, digne et prospère". Simone Ehivet, ancienne première dame de Côte d’Ivoire, est candidate à la présidentielle du 25 octobre prochain.

Cette ancienne syndicaliste, qui a commencé sa carrière politique dans l’opposition au cours des années 1980, a connu un parcours tumultueux : l’ascension jusqu’au pouvoir aux côtés de son désormais ex-mari, Laurent Gbagbo, au début des années 2000, puis la disgrâce une décennie plus tard, arrêtée et emprisonnée au terme de la pire crise post-électorale de l’histoire du pays.

Son retour sur la scène politique en 2022 avec la création de son parti – le Mouvement des générations capables (MGC) – puis l’annonce de sa candidature à la présidentielle s’apparente à une renaissance pour cette figure politique de gauche, aujourd’hui âgée de 76 ans, opposante historique à l’actuel président et candidat déclaré, Alassane Ouattara.

Ascension politique dans le sillage de Laurent Gbagbo

Née à Moossou, un village de la commune de Grand-Bassam situé à une quarantaine de kilomètres d’Abidjan, Simone Ehivet poursuit un cursus universitaire puis devient enseignante dans les années 1970. Militante syndicale aux valeurs socialistes, elle cofonde en 1982 le Front populaire ivoirien (FPI), opposé au régime du premier président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, avec plusieurs camarades rencontrés sur les bancs de la fac – dont Laurent Gbagbo, qu’elle épousera sept ans plus tard.

Après l’avènement du multipartisme en 1990, Simone Ehivet est élue députée en 1995 et devient vice-présidente de l’Assemblée nationale, où elle préside également le groupe parlementaire du FPI.

L’élection à la présidence de Laurent Gbagbo en 2000 lui offre un nouveau statut, celui de première dame. Mais Simone Ehivet n’est pas du genre à se cantonner à un rôle protocolaire. Conseillère de son mari, elle exerce une influence majeure sur la scène politique, perçue alors comme l’alter ego politique du chef de l'État.

Opposition radicale à Alassane Ouattara

Deux ans après l’arrivée au pouvoir de Laurent Gbagbo, une rébellion éclate dans le Nord, conduisant à une partition du pays qui durera cinq années. La première dame organise la résistance en fédérant les forces patriotiques proches du régime.

Lors de la crise électorale qui suit la présidentielle de 2010, elle rejette fermement la victoire d’Alassane Ouattara annoncée par la Commission électorale et soutient la position de Laurent Gbagbo, qui refuse de céder le pouvoir.

Elle est arrêtée en 2011, en même temps que son mari, accusé de participation à des crimes contre l’humanité lors de cette période trouble d’affrontements qui a fait plus de 3 000 morts. Jugée en Côte d’Ivoire et condamnée à 20 ans de prison pour "atteinte à la sûreté de l’État", elle est graciée en 2018 après sept années de détention.

La Cour pénale internationale, qui avait également engagé des poursuites à son encontre en 2012, les a finalement abandonnées en juillet 2021.

Depuis sa libération, Simone Ehivet a méthodiquement œuvré à sa reconstruction politique. Celle que l’on surnomme la "Dame de fer" pour son opposition radicale au pouvoir quitte en 2021 son parti historique, le Front populaire ivoirien, tout comme Laurent Gbagbo, pour créer sa propre formation politique, le Mouvement des générations capables.

Elle promet une réforme du système politique, qu’elle juge taillé sur mesure par le pouvoir, plus de justice sociale et insiste sur la nécessité de réconcilier la société ivoirienne et de renforcer sa cohésion.

Sortir de l’ombre de Laurent Gbagbo

La candidature de Simone Ehivet à la prochaine présidentielle intervient dans un contexte politique tendu : Alassane Ouattara ambitionne un quatrième mandat contesté par l'opposition, alors que quatre de ses principaux rivaux, Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro sont exclus de la course par les instances électorales.

Personnalité charismatique, forte d’un ancrage militant historique et d’une expérience politique indéniable, l'ex-première dame entend incarner l'alternative. Son parti mise notamment sur le vote des femmes, très présentes au sein de sa formation, qu’elle encourage depuis des années à s’impliquer dans la politique ivoirienne.

Simone Ehivet demeure néanmoins une personnalité clivante, dont l’image est fortement liée aux crises sanglantes des décennies 2000 et 2010 qui ont endeuillé la Côte d’Ivoire, ainsi qu'à son ex-mari, dont elle est divorcée depuis 2023.

"Même s'ils ont aujourd'hui chacun leur parti, le divorce entre Laurent Gbagbo et Simone Ehivet est plus personnel que politique", souligne le sociologue et analyste politique Séverin Yao Kouamé. "Tous deux chassent sur le même terrain électoral : les déçus de l’houphouëtisme [doctrine politique du père de l’indépendance ivoirienne, dont Alassane Ouattara revendique l’héritage, NDLR] et la méfiance envers la France. Ce n’est pas une position facile, car même si Laurent Gbagbo a été écarté de la présidentielle, il demeure une figure très importante de la politique ivoirienne."

Simone Ehivet espère arriver en tête des oppositions au premier tour et fédérer derrière sa candidature dans l'optique d'un duel final face à Alassane Ouattara.

Fidèle à sa réputation, elle affiche une détermination sans faille. "N’en doutez pas, la victoire est à portée de main", déclarait-elle début juillet lors de l’officialisation de sa candidature.