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Passe d'armes entre le Niger et Sotheby’s autour d'une météorite d'une valeur inestimable
Découverte en 2023 dans le désert d'Agadez, dans le nord du Niger, une météorite martienne de 25 kg vendue pour 5 millions de dollars à New York en juillet sème la discorde. Le Niger, qui la revendique, dénonce un trafic illicite et a pris des mesures de rétorsion. De son côté, la communauté scientifique plaide pour sa restitution.
La météorite martienne NWA 16788, qui pèse 25 kg (54 livres), est le plus gros fragment de Mars jamais découvert sur Terre. Elle est exposée lors d'une prévisualisation de la vente aux enchères Sotheby's à New York, le 15 juillet 2025. © Charly Triballeu - AFP

À qui appartient une pierre tombée du ciel ? Le débat est relancé après la récente vente à New York de la plus grande météorite martienne jamais retrouvée, aujourd'hui revendiquée par le Niger.

Venu tout droit de la planète rouge, ce gros caillou d'environ 25 kg a été vendu le 16 juillet par la célèbre maison d'enchères Sotheby's à un acheteur privé anonyme pour un montant record dépassant les 5 millions de dollars.

Une vente qui irrite le Niger, où cette météorite avait été trouvée en 2023, le gouvernement ayant annoncé ouvrir une enquête à la suite des enchères pour "faire la lumière sur cette affaire".

Cette dernière présente "vraisemblablement toutes les caractéristiques d'un trafic international illicite", selon Niamey, qui a suspendu vendredi les exportations de pierres précieuses et météorites jusqu'à nouvel ordre.

Passe d'armes entre le Niger et Sotheby’s autour d'une météorite d'une valeur inestimable
Une femme prend une photo de la météorite martienne NWA 16788, qui pèse 25 kg et qui est le plus gros fragment de Mars jamais découvert sur Terre, alors qu'elle est exposée pour une vente aux enchères Sotheby's à New York, le 15 juillet 2025. © Charly Triballeu - AFP

Des accusations que rejette Sotheby's, qui assure que la météorite a été "exportée du Niger et transportée conformément à toutes les procédures internationales en vigueur".

Mais face à la controverse, un réexamen du dossier est en cours, indique-t-elle à l'AFP.

Découverte controversée dans le désert nigérien

Selon la description faite sur son site, la pierre aux reflets ocre a été découverte "le 16 novembre 2023 par un chasseur de météorites dans la région reculée d'Agadez au Niger".

Vendue ensuite à un marchand international, elle fut brièvement exposée en Italie avant de se retrouver dans le catalogue de commissaires-priseurs en Amérique du Nord.

Pour le paléontologue américain Paul Sereno, qui travaille depuis des années en étroite relation avec Niamey, tout laisse à croire que la pierre a quitté le Niger "dans l'illégalité".

"Tout le monde est anonyme" dans cette histoire, pointe-t-il auprès de l'AFP, ne cachant pas sa colère.

"S'ils avaient attrapé la météorite alors qu'elle fonçait vers la Terre et avant qu'elle n'atterrisse dans un pays, alors ils auraient pu la revendiquer (...) mais là, je suis désolé, elle appartient au Niger, même si son origine est Mars", fulmine-t-il.

Passe d'armes entre le Niger et Sotheby’s autour d'une météorite d'une valeur inestimable
La météorite martienne NWA 16788, qui pèse 25 kg et est le plus gros fragment de Mars jamais découvert sur Terre, est exposée lors d'une prévisualisation de la vente aux enchères Sotheby's à New York, le 15 juillet 2025. © Charly Triballeu - AFP

Car les météorites ne disposant pas de véritable statut juridique universel, leur propriété est régie par le droit international et par celui spécifique à leur point de chute.

Un cadre juridique trop flou 

Aux États-Unis par exemple, la propriété de ces pierres tombées du ciel revient au propriétaire du terrain s'il est privé, ce qui n'est pas le cas au Niger.

Le pays d'Afrique de l'Ouest dispose en effet d'une loi protégeant ses biens culturels parmi lesquels les "spécimens rares" de minéralogie, relèvent Matthieu Gounelle, professeur au Muséum national d'Histoire naturelle et son père Max Gounelle, professeur des universités, tous deux spécialistes des régulations entourant la collecte et la vente de météorites.

Et "il ne fait aucun doute à notre avis que les météorites doivent être incluses dans les spécimens rares de minéralogie" protégés, abondent-ils auprès de l'AFP.

Passe d'armes entre le Niger et Sotheby’s autour d'une météorite d'une valeur inestimable

Au-delà d'une passe d'armes juridique et de la possible implication d'un réseau de trafic, la vente de cette météorite soulève aussi des questions éthiques.

Car cette roche, baptisée NWA 16788, est d'une valeur scientifique inestimable. Bien plus grande que les autres météorites martiennes - très rares - jusqu'ici recensées, elle offre un témoignage unique de l'histoire géologique de la planète rouge.

"À mon avis, ce n'est pas quelque chose qui devrait être vendu aux enchères et risquer de disparaître sous le manteau de quelqu'un", plaide le professeur Sereno, qui appelle à sa restitution au Niger, où elle pourrait être étudiée et exposée au public.

Avec AFP