
Depuis mi-mars, l'armée ukrainienne rencontre de grandes difficultés dans la zone russe de Soudja, située dans la région de Koursk. Cette ville, juste de l'autre côté de la frontière, avait été prise par les forces ukrainiennes en août 2024 lors d'une incursion en territoire russe. Le 13 mars, la Russie a annoncé avoir repris le contrôle de la ville.
Dans la foulée, plusieurs rumeurs ont émergé sur les réseaux sociaux. Sur son réseau social Truth Social, Donald Trump a par exemple affirmé que "des milliers de soldats ukrainiens [seraient] complètement encerclés par l’armée russe”. Une allégation reprise sur Facebook dans une vidéo de 10 minutes publiée le 16 mars par la page Espace Actu qui cite les propos du président américain et affirme que le nombre de soldats ukrainiens encerclés par les forces russes serait de 100 000.
De son côté, le compte X prorusse Global Impact Intelligence affirmait le 16 mars que des médias occidentaux avaient documenté "l’échec de l’aventure ukrainienne à #Koursk", en illustrant son propos par des captures d’écran de ce qui semble être des unes de journaux francophones et anglophones.
Enfin, le compte prorusse Rose d’Arc a partagé sur X, le 11 mars, une vidéo prétendant montrer "les forces armées ukrainiennes se rend[ant] en grande quantité dans la région frontalière de Koursk".
Pourtant, toutes ces affirmations sont trompeuses ou sorties de leur contexte. La rédaction des Observateurs a vérifié ces publications, voici ce qu’il en est réellement.
Des chiffres exagérés
La déclaration de Donald Trump selon laquelle des "milliers de soldats ukrainiens” seraient encerclés largement relayée sur les réseaux sociaux, et reprise notamment sur la page Espace Actu , est en réalité exagérée.


Car si le retrait ukrainien de Koursk a effectivement été difficile, comme le rapporte la BBC, qui qualifie la situation de "catastrophique", mentionnant “des colonnes de matériel détruites et des attaques de drones incessantes”, aucun élément ne corrobore l'idée d'un encerclement massif.
Selon l’Institute for the Study of War (ISW), il n’existe “aucun élément géolocalisé indiquant que les forces russes ont encerclé un nombre important de forces ukrainiennes dans l’oblast de Koursk ou ailleurs le long de la ligne de front en Ukraine”.
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Accepter Gérer mes choixPhil Cowins, analyste de Ukraine Control Map (un projet en ligne créé par des spécialistes en OSINT qui propose des cartes mises à jour du front en Ukraine, montrant l’évolution du conflit) contacté par la rédaction des Observateurs, partage cette analyse : “Il y a eu quelques petites poches d'infanterie perdues mais elles se comptaient par dizaines, et non par milliers comme l'a prétendu Trump” affirme l’expert.
Les affirmations de Trump reposent ainsi sur des chiffres erronés, qui ne correspondent pas à la réalité observée sur le terrain.
Des fausses unes de journaux
Dans sa publication du 16 mars, le compte Global Impact Intelligence a affirmé que des journaux occidentaux avaient couvert la débâcle ukrainienne à Koursk et dénoncé "le gaspillage de l’argent des contribuables européens". Pour appuyer cette affirmation, le post était accompagné de captures d'écran qui semblaient représenter des unes du journal français La Croix, du Hull Daily Mail britannique et de USA Today. Parmi ces titres, l’un prétendait : “70 000 soldats ukrainiens morts en vain. Londres a investi des centaines de millions de livres pour rien” (Hull Daily Mail), tandis qu’un autre affirmait : "Zelensky nie l’échec de l’offensive de Kiev", ajoutant : "les alliés de Kiev fulminent après des centaines de millions d'euros dépensés en vain" (La Croix). Cependant, une simple recherche Google permet de démontrer que toutes ces unes ont été manipulées.
Pour La Croix, l'image utilisée est bien authentique, on la retrouve en une dans l'édition du 13 mars. Mais le texte a été altéré. L’originale évoque “L’Ukraine respire, l’Europe se ressaisit, les États-Unis ont repris leur aide après dix jours de tensions qui ont poussé l’Europe à accélérer son effort de défense”, différent donc du titre modifié.

Pour le Hull Daily Mail, c’est le texte mais également l’image qui ont été modifiés. L’originale, l’édition du 13 mars, faisait état d’un article sur “un garçon reconnu coupable d'avoir tenté d’assassiner une jeune fille avec une épée”, bien loin du prétendu titre selon lequel 70 000 soldats ukrainiens seraient “morts en vain”.

Enfin, pour USA Today, l’article originellement en Une de l’édition du 13 mars, portait sur les “tiny homes” et non sur l’Ukraine.

Une vidéo décontextualisée
Le 11 mars, le compte pro-russe Rose d’Arc a publié sur X une vidéo montrant des hommes en uniforme militaire marchant les mains en l'air. L'auteur du post affirme qu'il s'agit des "forces armées ukrainiennes" se rendant "en grande quantité dans la région frontalière de Koursk".
Cependant, une recherche par image inversée (voir notre guide ici) permet d’identifier le contexte original de cette vidéo. On retrouve la même vidéo postée le 5 avril 2022 sur YouTube par le compte warnews6690 qui indique en légende de sa vidéo qu’il s’agit en réalité des soldats du bataillon 501 des Marines des forces armées ukrainiennes qui se rendent après la chute de Marioupol, en avril 2022. Une recherche Google permet de retrouver des articles de presse publiés en 2022 qui documentent cette reddition à Marioupol, avec les mêmes images.

Le porte-parole de l’état-major ukrainien Dmytro Lykhoviy a par ailleurs publié un démenti sur son compte Facebook le 10 mars 2025, suite à la vidéo relayée par le compte Rose d’Arc : “Ce n’est pas vrai. Il s’agit d’une vidéo bien connue datant du troisième mois de la guerre à grande échelle, lorsque, en avril 2022, le 501ᵉ bataillon de marines s’est rendu à Marioupol. C’est facilement vérifiable sur Google, et cette affaire est toujours en cours d’enquête par le Bureau d’enquête de l’État.” a-t-il indiqué.

Le dimanche 14 mars, l’état-major ukrainien a officialisé le retrait complet de ses forces de la ville de Soudja. Ce repli illustre les difficultés croissantes de Kiev dans la région de Koursk, aggravées depuis l’annonce, le 5 mars, de l’arrêt du partage de renseignements militaires par les États-Unis.