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La recherche scientifique américaine peut-elle survivre à Trump en 2026 ?
Coupes budgétaires massives, subventions annulées, libertés académiques contestées... En 2025, la recherche scientifique américaine a subi un choc sans précédent. Les États-Unis peuvent-ils rester une superpuissance dans le domaine des sciences sous Donald Trump ?
Le président américain Donald Trump, le 28 décembre 2025 à Palm Beach, en Floride. © Alex Brandon, AP

Une année douloureuse s'achève pour le monde scientifique américain. La National Science Foundation (NSF) – source majeure de la recherche fondamentale depuis 1950 – a perdu un tiers de ses employés après des licenciements ou des départs forcés. Le nombre de nouvelles subventions accordées à l'institution a chuté de 25 % sur l'année.

Les National Institutes of Health (NIH), premier financeur de la recherche biomédicale à l'échelle mondiale, ont perdu près de 3 000 employés cette année – 14 % de leurs effectifs – selon le New York Times. La recherche sur le vieillissement a perdu 31 % de ses financements, le diabète 30 % et la santé mentale 43 %.

Une perte "irrémédiable"

Des consensus scientifiques sont par ailleurs contestés au sein même de l'administration. Le ministre de la Santé lui-même, Robert F. Kennedy Jr, a multiplié en 2025 les déclarations remettant en cause le principe vaccinal. En mai, les États-Unis ont également mis fin à leur base de données sur les catastrophes climatiques majeures. Ce fichier répertoriait depuis 1980 tous les phénomènes dépassant le milliard de dollars de dégâts.

Les universités subissent de leur côté le gel de subventions et doivent faire face à l'arrestation de chercheurs étrangers. En mars, un chercheur français du CNRS a ainsi été refoulé du territoire américain pour avoir exprimé "une opinion personnelle sur la politique menée par l'administration Trump".

"Les États-Unis vivent une attaque frontale contre les libertés académiques. Et quand on supprime des bases de données, c'est une perte sèche irrémédiable", constate Vincent Michelot, politologue à Sciences Po Lyon. "Il faudra des décennies pour reconstituer le tissu scientifique détricoté."

Donald Trump affiche cependant une posture ambivalente envers la science. Car les progrès techno-scientifiques sont vecteurs de puissance et le président américain a fait une promesse : faire des États-Unis "la nation la plus puissante sur Terre".

Et dans les cieux. Le 18 décembre, il a ainsi prévu "de renvoyer les Américains sur la Lune d'ici 2028". Quelques mois plus tôt, il avait pourtant amputé le budget de la Nasa de 24 %, soit six milliards de dollars.

Donald Trump a lancé le projet "Stargate", un partenariat public-privé à 500 milliards de dollars pour l'intelligence artificielle. Le ministère de l'Énergie a par ailleurs injecté 625 millions de dollars supplémentaires en 2025 dans son programme d'informatique quantique.

"Pas de pilote dans l'avion"

Un penchant "protech" perceptible dans l'octroi des bourses doctorales. Celles dédiées à l'informatique bondissent de 48 %, tandis que celles en sciences de la vie s'effondrent de 59 %, constate le New York Times.

On aurait tort d'y lire un arbitrage stratégique, décrypte Vincent Michelot : "Il n'y a pas – à ce jour – de pilote dans l'avion scientifique de l'administration Trump. L'approche est guidée par des intérêts économiques extrêmement court-termistes, ou idéologiques, et l'administration actuelle est incapable de se projeter sur cinq ou dix ans."

"Je connais personnellement de nombreux scientifiques dans mon domaine qui quittent tout bonnement les États-Unis", déplore Kevin Johnson, ancien directeur de programme à la NSF, dans les pages du New York Times. Selon un sondage publié par la revue Nature, 75 % des chercheurs américains aimeraient les imiter.

"C'est ainsi que les pays déclinent : ils oublient que la science est un organisme vivant qui ne peut être soumis à la législation", s'alarme Elias Zerhouni, ancien directeur des NIH sous George W. Bush, aussi cité par Nature.

Une brèche dans laquelle s'engouffre la grande rivale des États-Unis. Selon un rapport publié en 2023 par l'Australian Strategic Policy Institute, Pékin surclasse les États-Unis dans la plupart des technologies critiques.

La Chine pratique une politique agressive de débauchage de chercheurs de très haut niveau, "preuve qu'il y a encore un déficit entre elle et les États-Unis", nuance toutefois Vincent Michelot.

Qui pour raisonner Trump ?

Sur le front de la santé, les États-Unis dominent le marché des essais cliniques et ont développé les vaccins contre le Covid-19 en un temps record. Le déclin de la recherche médicale américaine fragilise la réponse mondiale aux pandémies de demain.

"Il est possible qu'au bout de deux ou trois ans, des lanceurs d'alerte, y compris dans le camp Trump, le forcent à reculer", note Vincent Michelot. À la fin de son premier mandat, face à la pandémie de Covid-19 – d'abord qualifiée de "canular" –, l'erratique président avait rétropédalé sous la pression des sondages et des réalités scientifiques : il avait injecté 18 milliards de dollars dans un programme de vaccination historique.

Les plus grandes universités américaines pourraient-elles aussi faire céder le milliardaire ? En septembre, Harvard a remporté une première manche : une juge fédérale a statué que le gouvernement Trump avait illégalement annulé près de trois milliards de dollars de subventions.

"En France, si le CNRS et l'Inserm – institutions publiques – retiraient leur financement, il n'y aurait quasiment plus de recherche. Ce n'est pas le cas aux États-Unis", explique Vincent Michelot. "Les universités américaines sont assises sur des réserves financières considérables. La question, c'est de savoir si Harvard, Stanford et d'autres prendront le relais sur leurs fonds propres pour continuer des programmes de recherche essentiels."